Adaptation d'un dessin préparatoire de Christo
Depuis les années 1980, les discussions relatives au statut de la Corse incluent des références aux autres régions insulaires de Méditerranée occidentale : Sicile, Sardaigne et Baléares, dont l’autonomie a été consacrée respectivement en 1946, 1948 et 1983. La comparaison a été spécialement polémique à l’occasion des débats relatifs au statut de 1991, puisque le ministre de l’Intérieur Pierre Joxe, lui-même, évoqua une « sorte de droit commun des régions insulaires de Méditerranée occidentale ».
On peut dire, à regret, que les échanges furent bien peu féconds entre, d’un côté, des adeptes de la comparaison, soutenant que ces régions insulaires disposaient de pouvoirs de nature législative, sans commune mesure avec ceux de l’Assemblée de Corse. D’un autre côté, des détracteurs de la comparaison, affirmant que la Sicile, la Sardaigne et les Baléares ne sauraient être citées en exemple, étant donné que la première était mafieuse, la deuxième économiquement arriérée et la troisième bétonnée.
Le sujet mérite évidemment un peu plus de nuance, du moins si l’on souhaite que cette comparaison puisse avoir quelque utilité.
On peut dire, à regret, que les échanges furent bien peu féconds entre, d’un côté, des adeptes de la comparaison, soutenant que ces régions insulaires disposaient de pouvoirs de nature législative, sans commune mesure avec ceux de l’Assemblée de Corse. D’un autre côté, des détracteurs de la comparaison, affirmant que la Sicile, la Sardaigne et les Baléares ne sauraient être citées en exemple, étant donné que la première était mafieuse, la deuxième économiquement arriérée et la troisième bétonnée.
Le sujet mérite évidemment un peu plus de nuance, du moins si l’on souhaite que cette comparaison puisse avoir quelque utilité.
Autonomie et pouvoir législatif
Dans un précédent article, j’ai retracé l’histoire de la revendication autonomiste en Corse depuis les années 1960, montrant qu’elle a revêtu des perspectives sensiblement différentes. Si l’on regarde vers l’international, cette variété de perspectives s’accroît brutalement, et l’on en arrive à des visions antinomiques.
Étymologiquement, l’autonomie renvoie à la liberté de se donner sa propre règle. Cela signifie pouvoir adapter la règle aussi bien que possible aux ressources et aux contraintes locales, au niveau tant de la fixation de l’objectif que des moyens d’atteindre celui-ci. En théorie, cette liberté peut donc représenter un avantage. Cependant, toute liberté est encadrée, et l’ordre juridique régional s’inscrit toujours dans deux ordres juridiques supérieurs – l’ordre étatique et l’ordre international – qui le conditionnent.
Inversement, on ne peut plus concevoir de collectivité totalement dépourvue de liberté d’adopter des règlements, c’est-à-dire des normes impersonnelles. Imaginerait-on une collectivité qui ne ferait qu’appliquer des décisions prises ailleurs, et ne fonctionnerait qu’à travers des mesures individuelles, des subventions et des marchés publics ?
Cela étant, l’autonomie renvoie toujours à la capacité d’adopter des normes générales, ayant des effets de droit identiques pour tous (du moins en théorie). Cependant, ces normes ne sont pas de même nature et n’offrent pas les mêmes latitudes.
La question posée aujourd’hui en Corse est celle d’une autonomie législative. Or, en France, depuis 1789, la loi est censée être la même pour tous. Le Parlement représente le peuple français indivisible, titulaire de la souveraineté nationale, et il vote la loi commune, qui est donc l’expression de la souveraineté nationale. Partant, il ne saurait théoriquement partager ce pouvoir.
Pratiquement, les choses sont plus complexes. En métropole, le Parlement applique le principe de différenciation territoriale depuis des décennies. Le code général des collectivités territoriales le montre souvent, par exemple dans les dispositions relatives aux communes de certains départements.
Plus étonnant, dans certains territoires ultramarins, le pouvoir législatif est concrètement partagé avec l’assemblée territoriale. La norme adoptée par cette dernière n’est pas qualifiée de loi, mais elle s’applique en lieu et place de la loi nationale. Elle n’est pas une loi de façon formelle mais l’est de façon matérielle, puisqu’elle prend la place de la loi et a les mêmes fonctions.
La Polynésie compte aujourd’hui 21 codes de normes territoriales, dans des domaines aussi essentiels que la fiscalité, le droit du travail, les marchés publics, la concurrence, etc. Ce sont les élus territoriaux qui adoptent ces règles, qui vont jusqu’à favoriser très fortement les résidents dans la recherche d’emploi, sans que ça choque grand-monde en France métropolitaine.
Étymologiquement, l’autonomie renvoie à la liberté de se donner sa propre règle. Cela signifie pouvoir adapter la règle aussi bien que possible aux ressources et aux contraintes locales, au niveau tant de la fixation de l’objectif que des moyens d’atteindre celui-ci. En théorie, cette liberté peut donc représenter un avantage. Cependant, toute liberté est encadrée, et l’ordre juridique régional s’inscrit toujours dans deux ordres juridiques supérieurs – l’ordre étatique et l’ordre international – qui le conditionnent.
Inversement, on ne peut plus concevoir de collectivité totalement dépourvue de liberté d’adopter des règlements, c’est-à-dire des normes impersonnelles. Imaginerait-on une collectivité qui ne ferait qu’appliquer des décisions prises ailleurs, et ne fonctionnerait qu’à travers des mesures individuelles, des subventions et des marchés publics ?
Cela étant, l’autonomie renvoie toujours à la capacité d’adopter des normes générales, ayant des effets de droit identiques pour tous (du moins en théorie). Cependant, ces normes ne sont pas de même nature et n’offrent pas les mêmes latitudes.
La question posée aujourd’hui en Corse est celle d’une autonomie législative. Or, en France, depuis 1789, la loi est censée être la même pour tous. Le Parlement représente le peuple français indivisible, titulaire de la souveraineté nationale, et il vote la loi commune, qui est donc l’expression de la souveraineté nationale. Partant, il ne saurait théoriquement partager ce pouvoir.
Pratiquement, les choses sont plus complexes. En métropole, le Parlement applique le principe de différenciation territoriale depuis des décennies. Le code général des collectivités territoriales le montre souvent, par exemple dans les dispositions relatives aux communes de certains départements.
Plus étonnant, dans certains territoires ultramarins, le pouvoir législatif est concrètement partagé avec l’assemblée territoriale. La norme adoptée par cette dernière n’est pas qualifiée de loi, mais elle s’applique en lieu et place de la loi nationale. Elle n’est pas une loi de façon formelle mais l’est de façon matérielle, puisqu’elle prend la place de la loi et a les mêmes fonctions.
La Polynésie compte aujourd’hui 21 codes de normes territoriales, dans des domaines aussi essentiels que la fiscalité, le droit du travail, les marchés publics, la concurrence, etc. Ce sont les élus territoriaux qui adoptent ces règles, qui vont jusqu’à favoriser très fortement les résidents dans la recherche d’emploi, sans que ça choque grand-monde en France métropolitaine.
Une autonomie bien réelle
La Polynésie étant située à 15000 kilomètres de Paris et n’étant pas soumise au droit européen, il est facile d’y appliquer des règles totalement différentes du droit commun. En revanche, les assemblées de Sardaigne, de Sicile et des Baléares peuvent adopter des lois régionales, mais ces dernières ne sauraient être en contradiction trop manifeste avec les lois nationales, car cela poserait des problèmes majeurs en matière d’égalité des citoyens et de concurrence entre territoires. On imagine mal une région pratiquer des taux d’impôt sur le revenu 30% inférieurs à ceux de sa voisine, car cela signifierait deux modèles sociaux trop différents.
Ainsi, s’arrêter à la lettre des statuts régionaux, comme on l’a souvent fait, est encore plus trompeur que s’arrêter à la lecture de la Constitution. En théorie, ces trois régions exercent dans de nombreuses matières une compétence législative exclusive, ce qui signifierait que l’État et l’Union européenne n’ont pas le droit d’intervenir dans ces matières. La pratique est très différente.
Par exemple, lorsque le statut des Baléares indique que la région a une compétence exclusive en matière d’agriculture, c’est terriblement trompeur. Non seulement la politique agricole commune a une influence énorme, mais l’État espagnol intervient en matière d’agriculture en se fondant sur ses propres compétences, comme la coordination générale de l’activité économique, le régime général de la sécurité sociale ou le droit du travail.
La compétence exclusive régionale est ici une fiction, et cela n’a rien d’extraordinaire. La souveraineté de l’État est très largement une fiction aussi, et celle du peuple, censée fonder la démocratie, l’est encore plus.
L’autonomie de ces trois régions méditerranéennes ne relève donc pas d’une logique d’exception – comme en Polynésie – mais d’une logique d’adaptation. Pour autant, il ne s’agit pas de pouvoirs au rabais, ne permettant pas de faire de vrais choix politiques.
D’abord, d’un point de vue juridique, il s’agit bien de pouvoirs législatifs, ce qui a des implications majeures. D’une part, la loi régionale étant une loi à part entière, elle ne peut être normalement censurée que sur la base d’une norme de valeur constitutionnelle ou du statut de la région. D’autre part, la loi régionale a non seulement une dimension prescriptive beaucoup plus forte – elle crée beaucoup d’obligations juridiques, y compris vis-à-vis des autres collectivités – mais elle établit au moins en partie le régime des sanctions.
Par exemple, aux Baléares, c’est la loi régionale d’urbanisme qui définit les infractions urbanistiques, les amendes applicables, mais aussi les autres sanctions comme l’expropriation ou la démolition. D’ailleurs, les organes en charge des démolitions sont eux aussi établis et dirigés par les élus territoriaux, plus précisément par les conseils insulaires de Majorque, Minorque et Ibiza. Sur les cinq dernières années, 541 démolitions ont été menées à bien sur la seule île de Majorque, ce qui pourra laisser songeur en Corse.
On peut donc dire que ces régions insulaires ne sauraient être comparées à des États, du seul fait que leur législation est soumise à des contraintes bien plus fortes et nombreuses, mais que leurs pouvoirs sont très supérieurs à ceux dont dispose l’Assemblée de Corse.
Ainsi, s’arrêter à la lettre des statuts régionaux, comme on l’a souvent fait, est encore plus trompeur que s’arrêter à la lecture de la Constitution. En théorie, ces trois régions exercent dans de nombreuses matières une compétence législative exclusive, ce qui signifierait que l’État et l’Union européenne n’ont pas le droit d’intervenir dans ces matières. La pratique est très différente.
Par exemple, lorsque le statut des Baléares indique que la région a une compétence exclusive en matière d’agriculture, c’est terriblement trompeur. Non seulement la politique agricole commune a une influence énorme, mais l’État espagnol intervient en matière d’agriculture en se fondant sur ses propres compétences, comme la coordination générale de l’activité économique, le régime général de la sécurité sociale ou le droit du travail.
La compétence exclusive régionale est ici une fiction, et cela n’a rien d’extraordinaire. La souveraineté de l’État est très largement une fiction aussi, et celle du peuple, censée fonder la démocratie, l’est encore plus.
L’autonomie de ces trois régions méditerranéennes ne relève donc pas d’une logique d’exception – comme en Polynésie – mais d’une logique d’adaptation. Pour autant, il ne s’agit pas de pouvoirs au rabais, ne permettant pas de faire de vrais choix politiques.
D’abord, d’un point de vue juridique, il s’agit bien de pouvoirs législatifs, ce qui a des implications majeures. D’une part, la loi régionale étant une loi à part entière, elle ne peut être normalement censurée que sur la base d’une norme de valeur constitutionnelle ou du statut de la région. D’autre part, la loi régionale a non seulement une dimension prescriptive beaucoup plus forte – elle crée beaucoup d’obligations juridiques, y compris vis-à-vis des autres collectivités – mais elle établit au moins en partie le régime des sanctions.
Par exemple, aux Baléares, c’est la loi régionale d’urbanisme qui définit les infractions urbanistiques, les amendes applicables, mais aussi les autres sanctions comme l’expropriation ou la démolition. D’ailleurs, les organes en charge des démolitions sont eux aussi établis et dirigés par les élus territoriaux, plus précisément par les conseils insulaires de Majorque, Minorque et Ibiza. Sur les cinq dernières années, 541 démolitions ont été menées à bien sur la seule île de Majorque, ce qui pourra laisser songeur en Corse.
On peut donc dire que ces régions insulaires ne sauraient être comparées à des États, du seul fait que leur législation est soumise à des contraintes bien plus fortes et nombreuses, mais que leurs pouvoirs sont très supérieurs à ceux dont dispose l’Assemblée de Corse.
Des pouvoirs théoriquement exclusifs
Formellement, les statuts de la Sicile, de la Sardaigne et des Baléares fondent différents types de pouvoirs législatifs régionaux. Le premier type renvoie à des pouvoirs qualifiés d’exclusifs, même si cette exclusivité est en pratique impossible. Cela concerne surtout les compétences en matière d’agriculture, de tourisme, de sport, de travaux publics, d’artisanat, de pêche, etc., mais aussi de collectivités territoriales.
Alors qu’on parle beaucoup de restructurer les liens entre l’Assemblée de Corse et les microrégions, la Sicile, la Sardaigne et les Baléares disposent de grands pouvoirs en la matière. Il ne s’agit pas de juger cela intrinsèquement bon ou mauvais, mais de montrer l’impact des élus régionaux sur l’organisation politique de leur île.
L’exemple le plus évident est celui de la Sardaigne. Depuis 1974, la région était divisée en quatre provinces. C’est par une loi régionale de 2005 qu’elle est passée à huit. C’est par une autre qu’on est revenu en 2016 à quatre provinces, et qu’on a créé la ville métropolitaine à statut particulier de Cagliari. C’est encore par une loi régionale, en 2021, qu’on a créé la ville métropolitaine de Sassari et qu’on a redessiné la carte des provinces.
Les contraintes peuvent aussi diverger en matière d’urbanisme. Par exemple, la Région Sicile impose à toutes les communes l’établissement d’un document d’urbanisme. En Sardaigne, ce sont les communes littorales qui y sont quasi obligées, et la région occupe une place centrale dans la définition du plan. Ainsi, la commune sarde apparaît moins autonome mais plus épaulée.
Au niveau linguistique, la Constitution espagnole a notamment permis une refonte totale du modèle des Baléares. Dès 1986, le Parlement régional a voté une loi de normalisation linguistique, ce qui signifie normaliser l’usage de la langue catalane, qui devient co-officielle. Et les conséquences concrètes pour cette langue ont été positives. Malgré une immigration dynamique, la connaissance du catalan est très répandue.
Plus de 80% de la population sait le parler, plus de 60% l’écrire, et ces compétences linguistiques sont plus élevées dans la catégorie des 15-29 ans, ce qui suggère une bonne efficacité des politiques éducatives. L’enseignement serait entièrement dispensé en langue catalane dans 80% des écoles publiques.
Quant à la fonction publique locale, la maîtrise du catalan est une exigence pour l’intégrer dans quasiment toutes les catégories. Les Baléares sont même devenues, en 2018, la première région espagnole à imposer une certaine connaissance de la langue régionale pour pouvoir être titularisé dans l’administration de la santé. À noter que le niveau linguistique requis varie fortement selon les catégories de personnel (de A2 à C1).
Alors qu’on parle beaucoup de restructurer les liens entre l’Assemblée de Corse et les microrégions, la Sicile, la Sardaigne et les Baléares disposent de grands pouvoirs en la matière. Il ne s’agit pas de juger cela intrinsèquement bon ou mauvais, mais de montrer l’impact des élus régionaux sur l’organisation politique de leur île.
L’exemple le plus évident est celui de la Sardaigne. Depuis 1974, la région était divisée en quatre provinces. C’est par une loi régionale de 2005 qu’elle est passée à huit. C’est par une autre qu’on est revenu en 2016 à quatre provinces, et qu’on a créé la ville métropolitaine à statut particulier de Cagliari. C’est encore par une loi régionale, en 2021, qu’on a créé la ville métropolitaine de Sassari et qu’on a redessiné la carte des provinces.
Les contraintes peuvent aussi diverger en matière d’urbanisme. Par exemple, la Région Sicile impose à toutes les communes l’établissement d’un document d’urbanisme. En Sardaigne, ce sont les communes littorales qui y sont quasi obligées, et la région occupe une place centrale dans la définition du plan. Ainsi, la commune sarde apparaît moins autonome mais plus épaulée.
Au niveau linguistique, la Constitution espagnole a notamment permis une refonte totale du modèle des Baléares. Dès 1986, le Parlement régional a voté une loi de normalisation linguistique, ce qui signifie normaliser l’usage de la langue catalane, qui devient co-officielle. Et les conséquences concrètes pour cette langue ont été positives. Malgré une immigration dynamique, la connaissance du catalan est très répandue.
Plus de 80% de la population sait le parler, plus de 60% l’écrire, et ces compétences linguistiques sont plus élevées dans la catégorie des 15-29 ans, ce qui suggère une bonne efficacité des politiques éducatives. L’enseignement serait entièrement dispensé en langue catalane dans 80% des écoles publiques.
Quant à la fonction publique locale, la maîtrise du catalan est une exigence pour l’intégrer dans quasiment toutes les catégories. Les Baléares sont même devenues, en 2018, la première région espagnole à imposer une certaine connaissance de la langue régionale pour pouvoir être titularisé dans l’administration de la santé. À noter que le niveau linguistique requis varie fortement selon les catégories de personnel (de A2 à C1).
Des pouvoirs d’adaptation
Le deuxième grand type de loi régionale procède de l’idée d’adaptation. Le législateur national établit les bases et les législateurs régionaux les développent en les adaptant à leur contexte. Les compétences concernées sont essentielles : santé, sécurité sociale, travail, éducation, environnement, etc. Bien sûr, les marges de manœuvre régionales varient suivant les matières, et partout les lois nationales ont tendance à devenir plus précises, notamment en période de crise, laissant d’autant moins de libertés d’adaptation.
Les régions peuvent aussi intervenir en cas de carence du législateur national. En Italie comme en Espagne, les allocations d’insertion (de type RMI/RSA) ont été mises en place d’abord au niveau des régions. En Italie, la Sicile a été la seconde région, en 2005, à créer un dispositif de ce type, quatorze ans avant le Parlement national.
De même, le droit au logement opposable existe depuis février 2022 dans la législation nationale espagnole, mais il avait déjà été consacré dans quatre régions, dont les Baléares en 2018. De la même façon, toujours en 2018, les élus sardes ont adopté un dispositif appelé « revenu de liberté » pour les femmes battues financièrement dépendantes, qui consiste en un soutien fiscal et financier spécifique, devant faciliter leur émancipation.
Ces régions autonomes peuvent aussi jouer sur les taux d’imposition et les déductions fiscales. Par exemple, les régions espagnoles perçoivent normalement 50% de la TVA et de l’impôt sur le revenu qui sont collectés sur leur territoire. Pour la TVA, il n’y a pas d’adaptations possibles. En revanche, pour l’impôt sur le revenu, les régions peuvent définir des taux différents de ceux de l’État sur 50% de la base imposable. L’État applique six tranches sur sa part, alors que les Baléares en appliquent neuf sur la leur. La région renforce donc la progressivité de l’impôt, même de façon assez symbolique.
L’impôt sur le revenu des personnes physiques aux Baléares (2022)
Les régions peuvent aussi intervenir en cas de carence du législateur national. En Italie comme en Espagne, les allocations d’insertion (de type RMI/RSA) ont été mises en place d’abord au niveau des régions. En Italie, la Sicile a été la seconde région, en 2005, à créer un dispositif de ce type, quatorze ans avant le Parlement national.
De même, le droit au logement opposable existe depuis février 2022 dans la législation nationale espagnole, mais il avait déjà été consacré dans quatre régions, dont les Baléares en 2018. De la même façon, toujours en 2018, les élus sardes ont adopté un dispositif appelé « revenu de liberté » pour les femmes battues financièrement dépendantes, qui consiste en un soutien fiscal et financier spécifique, devant faciliter leur émancipation.
Ces régions autonomes peuvent aussi jouer sur les taux d’imposition et les déductions fiscales. Par exemple, les régions espagnoles perçoivent normalement 50% de la TVA et de l’impôt sur le revenu qui sont collectés sur leur territoire. Pour la TVA, il n’y a pas d’adaptations possibles. En revanche, pour l’impôt sur le revenu, les régions peuvent définir des taux différents de ceux de l’État sur 50% de la base imposable. L’État applique six tranches sur sa part, alors que les Baléares en appliquent neuf sur la leur. La région renforce donc la progressivité de l’impôt, même de façon assez symbolique.
L’impôt sur le revenu des personnes physiques aux Baléares (2022)
Aux Baléares, les faibles revenus ont un taux inférieur au taux étatique, alors que les hauts revenus paient plus. De la même façon, excepté pour la dernière tranche, les taux de l’impôt sur le patrimoine aux Baléares sont environ 35% plus élevés que ceux que propose l’État.
Concernant un sujet central en Corse, les régions espagnoles perçoivent 100% du produit de l’impôt sur les successions. L’État définit la base d’imposition, mais les régions déterminent les taux, exonérations et déductions. Dans six régions sur 17, les conjoints et descendants directs sont quasi exonérés, même sur de gros patrimoines. Ce n’est pas le cas aux Baléares, mais le régime est très généreux, puisque jusqu’à 700000€ de succession, le taux est de 1%. Le taux maximum est de 20%, à partir de trois millions d’€ de base imposable. À l’opposé, aux Asturies, à partir de 300000€ de base, le taux est de 21% et il peut monter à 36. En somme, les marges de manœuvre sont dignes d’intérêt.
Enfin, il n’est pas impossible de créer des impôts propres. Aux Baléares, l’équivalent de la taxe de séjour française a été votée en 2001, afin de financer un fonds d’investissement pour la soutenabilité du tourisme et la préservation de l’environnement. Le dispositif a été abrogé lors du changement de majorité de 2003, mais un autre plus complet a été mis en place depuis 2016, touchant tous les touristes, y compris ceux des bateaux de croisière. Ce nouvel impôt sur le tourisme soutenable a permis de percevoir plus de 130 millions d’euros en 2019. Sur un budget global de quelque six milliards, ce n’est pas décisif, mais il ne s’agit pas d’une somme symbolique.
En conclusion provisoire
Malgré leurs limites, les autres régions insulaires de Méditerranée occidentale disposent bien de pouvoirs largement supérieurs à ceux de la collectivité de Corse, et surtout, cela peut se traduire par des effets très sensibles sur la société. En font-elles toujours bon usage ? Évidemment non, et c’est le propre de toute autorité, politique ou pas. On doit savoir dissocier les questions de la capacité à faire et du faire, sans nier les liens qui les unissent. En tout cas, les actuels débats autour du statut de la Corse gagneraient certainement à considérer ces expériences de façon plus précise.