99 lupi, Cai Guo Qiang, Museo Pecci Prato
"U cumunu ùn hè di nisunu" : le commun n’est à personne.
"À chì serve u cumunu ùn serve à nisunu" : qui sert le commun ne sert personne.
Désormais, ces expressions sont employées de façon plutôt péjorative : ce qui n’appartient à personne appartiendrait donc à tout le monde ? Ces expressions, que l’on utilise maintenant de façon blasée, voire cynique, décrivent différents types de situations dans lesquelles la notion de « biens communs » n’est pas respectée.
"À chì serve u cumunu ùn serve à nisunu" : qui sert le commun ne sert personne.
Désormais, ces expressions sont employées de façon plutôt péjorative : ce qui n’appartient à personne appartiendrait donc à tout le monde ? Ces expressions, que l’on utilise maintenant de façon blasée, voire cynique, décrivent différents types de situations dans lesquelles la notion de « biens communs » n’est pas respectée.
Négation du commun
Elles s’appliquent à des situations aussi diverses que l’occupation du domaine public (les terrasses de cafés ou de restaurants, les paillottes) qu’à des situations plus subjectives, où va venir se greffer l’élément esthétique : cela va être le cas de Scandula, ou des cascades de Purcaraccia, lieux dont on estime que la beauté perd à être « marchandisée », lorsqu’elle devrait être sanctuarisée.
Aujourd’hui que le lien social tend à se déliter, où l’individualisme prend le pas, on peut observer la multiplication de situations où le commun est nié, sans que les pouvoirs publics ne réagissent ou ne se donnent les moyens de réagir :
- L’indivision : si elle touche la sphère familiale, la sphère privée, son non-traitement a des conséquences terribles sur l’ensemble de la communauté car on va en retrouver les effets néfastes sur la transformation du paysage aussi bien que sur la structure même de la société ;
- La divagation animale, avec le danger qu’elle présente (accidents routiers souvent très graves, voire mortels), et le fait que l’on finisse par trouver normal qu’elle s’impose dans un rural déserté par l’homme ;
- L’entretien de la nature et ses corollaires : les incendies, même en hiver, et les inondations (pluies particulièrement violentes avec le changement climatique).
Ce mépris ou cette négation du commun induisent deux types d’attitude :
Aujourd’hui que le lien social tend à se déliter, où l’individualisme prend le pas, on peut observer la multiplication de situations où le commun est nié, sans que les pouvoirs publics ne réagissent ou ne se donnent les moyens de réagir :
- L’indivision : si elle touche la sphère familiale, la sphère privée, son non-traitement a des conséquences terribles sur l’ensemble de la communauté car on va en retrouver les effets néfastes sur la transformation du paysage aussi bien que sur la structure même de la société ;
- La divagation animale, avec le danger qu’elle présente (accidents routiers souvent très graves, voire mortels), et le fait que l’on finisse par trouver normal qu’elle s’impose dans un rural déserté par l’homme ;
- L’entretien de la nature et ses corollaires : les incendies, même en hiver, et les inondations (pluies particulièrement violentes avec le changement climatique).
Ce mépris ou cette négation du commun induisent deux types d’attitude :
- Certains s’arrogent un pouvoir et des privilèges exorbitants (les bateliers de Scandula ; l’affaire de la piste des estives de Tavera..; etc.).
- D’autres négligent l’entretien de ces espaces, attendant que d’autres s’en chargent.
Il arrive également que les pouvoirs publics, État, mais aussi Région et communes, non contents de ne pas exercer leurs droits et prérogatives sur le « commun », encouragent des activités qui contreviennent à cette notion : prenons donc l’exemple des ZMEL, problème récemment soulevé par U Levante. Derrière cet acronyme – Zone de Mouillage et d’Équipements Légers, se cache une manœuvre qui permet de privatiser la mer ! En effet, dans un rapport publié par l’ADEC en 2017, il est prévu de créer des ZMEL réservées à de gros navires de plaisance, dans les plus beaux sites naturels de Corse : le premier test grandeur nature a été réalisé dès l’été 2021, à Sant’Amanza, dans la réserve naturelle des Bouches de Bunifaziu. D’autres « expérimentations » devraient suivre à Ghjirulata (site classé, zone inscrite au Patrimoine de l’Unesco), à A Rivillata (zone Natura 2000).
À ce rythme-là, nous passerons bientôt de Mare Nostrum à Mare Suum !
Une nécessité des sociétés d' autosubsistance
Mais, continuons notre exploration linguistique et culturelle du « commun » : il se retrouvait dans tous les travaux qui nécessitaient d’être nombreux :
- A tundera : la tonte des brebis (autour du 12 mai, la Saint Pancrace) ;
- A tribbiera : le battage du blé sur l’aire (en été) ;
- E vindemmie : les vendanges (septembre) ;
- A tumbera…; etc.
Ces travaux-là, rythmaient les saisons et se reproduisaient d’année en année. Mais, il pouvait s’agir aussi de travaux exceptionnels comme la pose d’une charpente, par exemple.
Si les travaux cités plus-haut se pratiquaient dans notre société agro-pastorale, plutôt tournée vers l’intérieur, ils étaient aussi fréquents dans le monde des pêcheurs :
- tirer une barque au sec pour la réparer ou l’entretenir, puis la remettre à l’eau réunissait toute la corporation des pêcheurs ;
- il en était de même pour monter les filets en début de saison de pêche, les teindre, les lester de plombs…, etc.
- ou encore, pour réparer des filets qui avaient été dévastés par les veaux marins (phoques moines) ou les marsouins.
Les femmes n’étaient pas dispensées des travaux communs, puisque d’une part, tous les travaux que nous venons d’énumérer se concluaient souvent par un grand repas, et d’autre part parce qu’elles avaient leurs propres tâches faites en commun : la lessive, le pain, les pâtisseries qu’elles faisaient pour les fêtes de famille (mariages, baptêmes,)
On constate, à travers les derniers exemples cités, que l’on glisse de la notion de « commun » à celle de solidarité ! Mais sont-elles si éloignées ? Dans tous les cas, la solidarité s’exerçait aussi bien chez les gens de la campagne que chez ceux de la mer, lorsqu’il s’agissait d’offrir quelque chose de sa production, un produit à un malade : la personne malade avait droit aux œufs frais, au lait, aux meilleurs fruits ou aux poissons fins. Si ce n’était pas une thérapie à proprement parler, c’était au moins une prise en charge collective de la maladie qui pouvait contribuer à l’amélioration de l’état de santé du malade.
- A tundera : la tonte des brebis (autour du 12 mai, la Saint Pancrace) ;
- A tribbiera : le battage du blé sur l’aire (en été) ;
- E vindemmie : les vendanges (septembre) ;
- A tumbera…; etc.
Ces travaux-là, rythmaient les saisons et se reproduisaient d’année en année. Mais, il pouvait s’agir aussi de travaux exceptionnels comme la pose d’une charpente, par exemple.
Si les travaux cités plus-haut se pratiquaient dans notre société agro-pastorale, plutôt tournée vers l’intérieur, ils étaient aussi fréquents dans le monde des pêcheurs :
- tirer une barque au sec pour la réparer ou l’entretenir, puis la remettre à l’eau réunissait toute la corporation des pêcheurs ;
- il en était de même pour monter les filets en début de saison de pêche, les teindre, les lester de plombs…, etc.
- ou encore, pour réparer des filets qui avaient été dévastés par les veaux marins (phoques moines) ou les marsouins.
Les femmes n’étaient pas dispensées des travaux communs, puisque d’une part, tous les travaux que nous venons d’énumérer se concluaient souvent par un grand repas, et d’autre part parce qu’elles avaient leurs propres tâches faites en commun : la lessive, le pain, les pâtisseries qu’elles faisaient pour les fêtes de famille (mariages, baptêmes,)
On constate, à travers les derniers exemples cités, que l’on glisse de la notion de « commun » à celle de solidarité ! Mais sont-elles si éloignées ? Dans tous les cas, la solidarité s’exerçait aussi bien chez les gens de la campagne que chez ceux de la mer, lorsqu’il s’agissait d’offrir quelque chose de sa production, un produit à un malade : la personne malade avait droit aux œufs frais, au lait, aux meilleurs fruits ou aux poissons fins. Si ce n’était pas une thérapie à proprement parler, c’était au moins une prise en charge collective de la maladie qui pouvait contribuer à l’amélioration de l’état de santé du malade.
Quelques exemples
Il existe des exemples particuliers de la mise en œuvre du commun ou de la solidarité :
- A Calvi, il existait une pêche qui se pratiquait en hiver, au moment où la terre est au repos, et où les journaliers se retrouvaient sans travail : c’était A cala, a pesca à i zarruli, ces petits poissons que l’on pêche en grande quantité à l’aide d’un vaste filet : la senne, a sciabica. La taille du filet, la quantité de poissons pêchés nécessitent que l’on soit nombreux. C’est pourquoi, en dehors des marins inscrits au rôle maritime, toute personne n’ayant pas de travail pouvait être engagée sur l’un des bateaux pratiquant cette pêche. Elle en obtenait un petit revenu et quelques poissons qu’elle pouvait vendre ou ramener à la maison.
- Autre exemple, plus surprenant : le tombeau communautaire de Pozzo, dans le Cap Corse : en 1855, c’est Filippo Ferdinandi qui le fit édifier. Jusqu’à cette date, les morts de Pozzo devaient être enterrés au cimetière de Castello, dans la vallée voisine. C’est pourquoi, Filippo Ferdinandi fit construire ce tombeau à l’usage si particulier. En effet, chaque défunt est déposé dans un emplacement numéroté, sans cercueil. Les restes du précédent défunt sont transférés dans un ossuaire, dépendant du tombeau. Ces transferts sont consignés sur un registre prévu à cet effet.
Tout ceci aurait un intérêt, à peine un peu plus qu’anecdotique, si l’on ne se posait pas la question de savoir si le « commun » peut survivre au développement - développement économique s’entend - ou s’il va être emporté comme un fétu de paille, parce que désormais il n’est plus « bankable ? »
A l’heure du travail en distanciel, des tablettes, du e-commerce, du click and collect, des drives, le « commun » a-t-il encore de l’avenir devant lui ?
Pourtant, chez nous, dans le domaine de l’écologie, comme dans celui de la culture, beaucoup de groupements, d’associations, de collectifs se constituent pour défendre avec conviction, une part de ce qui fait le commun. C’est sans doute dans leur action que réside le souvenir des pratiques passées, mais que l’on trouve aussi les éléments d’une organisation nécessaire à des combats vitaux.
- A Calvi, il existait une pêche qui se pratiquait en hiver, au moment où la terre est au repos, et où les journaliers se retrouvaient sans travail : c’était A cala, a pesca à i zarruli, ces petits poissons que l’on pêche en grande quantité à l’aide d’un vaste filet : la senne, a sciabica. La taille du filet, la quantité de poissons pêchés nécessitent que l’on soit nombreux. C’est pourquoi, en dehors des marins inscrits au rôle maritime, toute personne n’ayant pas de travail pouvait être engagée sur l’un des bateaux pratiquant cette pêche. Elle en obtenait un petit revenu et quelques poissons qu’elle pouvait vendre ou ramener à la maison.
- Autre exemple, plus surprenant : le tombeau communautaire de Pozzo, dans le Cap Corse : en 1855, c’est Filippo Ferdinandi qui le fit édifier. Jusqu’à cette date, les morts de Pozzo devaient être enterrés au cimetière de Castello, dans la vallée voisine. C’est pourquoi, Filippo Ferdinandi fit construire ce tombeau à l’usage si particulier. En effet, chaque défunt est déposé dans un emplacement numéroté, sans cercueil. Les restes du précédent défunt sont transférés dans un ossuaire, dépendant du tombeau. Ces transferts sont consignés sur un registre prévu à cet effet.
Tout ceci aurait un intérêt, à peine un peu plus qu’anecdotique, si l’on ne se posait pas la question de savoir si le « commun » peut survivre au développement - développement économique s’entend - ou s’il va être emporté comme un fétu de paille, parce que désormais il n’est plus « bankable ? »
A l’heure du travail en distanciel, des tablettes, du e-commerce, du click and collect, des drives, le « commun » a-t-il encore de l’avenir devant lui ?
Pourtant, chez nous, dans le domaine de l’écologie, comme dans celui de la culture, beaucoup de groupements, d’associations, de collectifs se constituent pour défendre avec conviction, une part de ce qui fait le commun. C’est sans doute dans leur action que réside le souvenir des pratiques passées, mais que l’on trouve aussi les éléments d’une organisation nécessaire à des combats vitaux.