Nuit Bleue, Ange Leccia, 2008
En 1967, j’avais réalisé les décors du film Colomba d’Ange Casta, et au cours de cette mémorable aventure nous avions tissé d’amicales relations. La construction immédiatement après de sa maison en Balagne, à Cateri, renforça ces liens puisqu’il me demanda de suivre le chantier en son absence.
Ceci pour expliquer un mystérieux coup de téléphone que je reçus, un soir de l’année 1970, « de la part d’un ami du frère d’Ange » que je ne connaissais pas. Je ne connaitrais Jean Casta que plusieurs années plus tard, quand il vint me trouver dans mon bureau au Conseil Economique, Social et Culturel, pour me présenter son projet de création d’un axe Nord-Sud Munich/Tunis passant par la Corse et la Sardaigne. Il venait de terminer une brillante carrière d’ingénieur au sein du groupe Matra-Transport en assurant le développement du métro de Barcelone. Il soutenait que les relations entre l’Europe et le nord de l’Afrique ne pouvaient que se développer, que le Bosphore à l’Est et Gibraltar à l’Ouest représentaient un trop long détour pour aller de la « banane bleue » à ce que nous baptisâmes la « figue noire », et qu’il fallait utiliser les deux îles pour relier les deux rives au Centre, sur l’axe principal. Il vint avec moi défendre et faire adopter ce projet au Forum Euromed de Barcelone en 1996, et là j’ai pu mesurer son audience internationale et le respect général manifesté par la commission de spécialistes devant laquelle il présenta son idée.
Donc, ne sachant pas encore tout cela, mais me fiant au seul nom d’Ange Casta, je poursuivis la conversation téléphonique avec « l’ami de son frère » qui me dit après quelques réticences qu’il se nommait Nicolas Secondi, qu’il avait en sa possession un document intéressant la Corse et qu’il souhaitait me le remettre en main propre car il ne pouvait pas l’envoyer par la poste, et voulait que j’en assure la diffusion. A ma question sur la nature de ce document il répondit qu’il ne pouvait en parler au téléphone, et quant à sa diffusion son statut lui interdisait de la faire lui-même.
Ceci pour expliquer un mystérieux coup de téléphone que je reçus, un soir de l’année 1970, « de la part d’un ami du frère d’Ange » que je ne connaissais pas. Je ne connaitrais Jean Casta que plusieurs années plus tard, quand il vint me trouver dans mon bureau au Conseil Economique, Social et Culturel, pour me présenter son projet de création d’un axe Nord-Sud Munich/Tunis passant par la Corse et la Sardaigne. Il venait de terminer une brillante carrière d’ingénieur au sein du groupe Matra-Transport en assurant le développement du métro de Barcelone. Il soutenait que les relations entre l’Europe et le nord de l’Afrique ne pouvaient que se développer, que le Bosphore à l’Est et Gibraltar à l’Ouest représentaient un trop long détour pour aller de la « banane bleue » à ce que nous baptisâmes la « figue noire », et qu’il fallait utiliser les deux îles pour relier les deux rives au Centre, sur l’axe principal. Il vint avec moi défendre et faire adopter ce projet au Forum Euromed de Barcelone en 1996, et là j’ai pu mesurer son audience internationale et le respect général manifesté par la commission de spécialistes devant laquelle il présenta son idée.
Donc, ne sachant pas encore tout cela, mais me fiant au seul nom d’Ange Casta, je poursuivis la conversation téléphonique avec « l’ami de son frère » qui me dit après quelques réticences qu’il se nommait Nicolas Secondi, qu’il avait en sa possession un document intéressant la Corse et qu’il souhaitait me le remettre en main propre car il ne pouvait pas l’envoyer par la poste, et voulait que j’en assure la diffusion. A ma question sur la nature de ce document il répondit qu’il ne pouvait en parler au téléphone, et quant à sa diffusion son statut lui interdisait de la faire lui-même.
Les scenarii
Sans plus se soucier si cela me convenait, il me donna rendez-vous un jour donné et à une heure nocturne dans une station-service de Ponte-Leccia, dont chacun savait à l’époque qu’elle était la seule de Corse à être ouverte la nuit. Intrigué, je pris le risque d’y aller et c’est ainsi que j’entrai en possession d’une liasse de feuillets dactylographiés que je ne pouvais déchiffrer dans la pénombre et dont il me dit que c’était des américains qui avaient fait ce rapport à la demande de la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale (DATAR), alors attaché au Premier Ministre. Il disparut dans l’obscurité et je ne le revis que de longues années plus tard. Mais, à peine de retour en Balagne, je ne pus m’empêcher de jeter un œil sur ce que contenait ce document modestement intitulé « Thèmes pour le développement de la Corse », et je n’ai pu fermer l’œil avant d’être arrivé à la dernière ligne de la page 76 : « Tout contribue à montrer qu’il y a un certain risque à poursuivre la même politique de continuité (business as usual) et que la politique actuelle devrait être au moins mise en question et discutée à fond dans un proche avenir ». Ce qui advint, nous le savons aujourd’hui !
Eberlué par la découverte de l’analyse aérienne, intéressé par l’approche comparative internationale et prémonitoirement séduit par le processus de recherche contributive - intégrant universitaire, haut fonctionnaire, ingénieur, écrivain, hôtelier, directrice d’école bilingue, restaurateur corse de New-York et même un jeune avocat ajaccien, Albert Ruault, qui se trouvait être un ami d’enfance – je découvris les trois scenarii proposés :
Eberlué par la découverte de l’analyse aérienne, intéressé par l’approche comparative internationale et prémonitoirement séduit par le processus de recherche contributive - intégrant universitaire, haut fonctionnaire, ingénieur, écrivain, hôtelier, directrice d’école bilingue, restaurateur corse de New-York et même un jeune avocat ajaccien, Albert Ruault, qui se trouvait être un ami d’enfance – je découvris les trois scenarii proposés :
- Pas de changement, avec pour conséquence « la violence irrationnelle »
- Invasion des touristes, avec pour conséquence « l’érosion de l’identité culturelle »
- Développement endogène qualifié de scénario « clairement souhaitable », d'« intéressant et séduisant mais probablement improbable », du fait du nécessaire consensus entre le gouvernement français et la population et plus généralement "d'un manque de confiance dans le potentiel de l'île, de la part des Corses eux-mêmes, et du gouvernement français ».
Et de conclure en proposant de choisir, avec un naïf cynisme typiquement américain, entre les deux seules options crédibles :
- « Accélérer l’érosion de l'identité culturelle de la Corse »
- « Conserver et restaurer l’identité culturelle de la Corse »
Comme entre les deux mon cœur ne balança pas une seconde, je m’en ouvris immédiatement à la première réunion de la Jeune Chambre Economique de Balagne, présidée par Nando Acquaviva. Nous décidâmes illico avec enthousiasme de développer bien évidemment l’option 2, et de rendre publique cette partie du rapport accompagnée d’un commentaire à notre sauce dont nous commençâmes la rédaction collective, chacun dans son domaine de compétence et sans urgence.
Hélas, ce que nous ne savions pas c’est que, ne voyant rien venir dans la presse, un second exemplaire du rapport avait été remis par l’impatient Nicolas Secondi à Max Simeoni. C’est ainsi que nous découvrîmes un jour, dépités, que Max, ne croyant pas une seconde à la possibilité de l’option 2, avait divulgué dans Arritti la terrifiante option 1.
Pour aller plus loin
Nous ne saurions trop vous conseiller de lire ou relire le rapport dans son intégralité. Il est téléchargeable ici :