Un lieu se nourrit de chacune de nos attentions, chacune de nos perceptions de lui-même
Un lieu est un grand panier
qui réunit chaque trace, indice, souvenir
Si le temps est ce qui meut les choses, l'espace est peut-être ce qui les retient.
Sauver notre amour pour nos lieux, ça ne veut pas dire dépolitiser cet amour
Ça veut dire prendre nos émotions au sérieux
Ça veut dire identifier les véritables menaces de destruction et lutter contre
Ça veut dire aimer les lieux aussi pour leur potentiel d'accueil, pour la diversité des existences qui les traversent.
Un lieu est un grand panier
qui réunit chaque trace, indice, souvenir
Si le temps est ce qui meut les choses, l'espace est peut-être ce qui les retient.
Sauver notre amour pour nos lieux, ça ne veut pas dire dépolitiser cet amour
Ça veut dire prendre nos émotions au sérieux
Ça veut dire identifier les véritables menaces de destruction et lutter contre
Ça veut dire aimer les lieux aussi pour leur potentiel d'accueil, pour la diversité des existences qui les traversent.
Je ne veux pas d'un nationalisme qui :
Soit massivement masculin
Soit raciste, xénophobe
Ne me parle pas de lutte des classes
Ne me parle pas (plus) d'écologie
Ne me parle pas de féminisme
Ne me parle pas des autres espèces vivantes
Ce que je me demande profondément : comment créer d'autres interactions avec les territoires que par des réflexes d'appartenance.
Je veux aimer sans m'approprier.
Tout petit morceau de territoire, c'est comme si tout y était plus concentré.
J'aime mon île et mes lieux, c'est une certitude qui passe d'abord par des émotions, des sensations. Mes premiers rapports à elle, et les plus forts, sont sensoriels, entretenus par plein de minuscules liens, plein de minuscules petites choses, fragments d'odeurs de couleurs de formes. Je sais que je l'aime, parce que je le sens. Pas parce que je le dois. Pas par principe.
Je suis en colère contre une forme "d'amour" autre, qui m'est extérieure, pleine de fierté, d'honneur, masculine, belliqueuse, conservatrice. Je refuse que ce soit la seule façon de déclarer cet amour, de montrer son attachement.
Aimer pleinement notre territoire, avec joie, et sans se comporter en réactionnaire. Parce qu'il est dommageable de confondre préserver et figer, conserver des espaces et porter des idées conservatrices. Défendre des traditions, des valeurs, en les opposant au progressisme, à l'évolution de certaines normes sociales, me semble un piège immense dont nous devons nous prémunir.
Nos frontières si proches de nous, si tangibles, ces bras de mer qui bercent les contours de notre île, ne doivent pas nous enclaver. Les menaces sur les cultures minoritaires n'ont jamais été la rencontre avec d'autres cultures, mais l'hégémonie de certaines. Nous pouvons, et devons nous défendre sans nous tromper de cible. Ce que nous devons combattre, c'est bien l'uniformisation violente imposée par les États et le système néo-libéral dans son ensemble; jamais l’accueil, le partage, l'ouverture. Jamais la curiosité, le progrès social.
On serait plus étonné de voir quelqu'un revendiquer solennellement son appartenance a la Picardie par exemple, ou plutôt, on ne s'attendrait pas nécessairement qu'il en fasse le sujet principal de ses réflexions ou expressions - alors que quoi de plus évident attendu et presque inévitable pour un.e Corse de parler de son île. Est-ce qu'on peut accepter que ces lieux portent en eux-mêmes quelque chose de particulier, ou bien reconnaître qu'il s'agit d'une construction? Pourrait-on dire qu'il s'agit d'un croisement entre les deux ? A quoi est due cette construction ? A de la résistance face à de nombreux envahissements, négations des êtres habitants ces espaces? Peut-être.
Il y a aussi la force des paysages eux-mêmes, il est vrai très variés, expressifs, avec une puissance tant tellurique qu'aqueuse, végétale : comment nous influence-t-elle ? C'est encore plus mystérieux et difficile à comprendre. Mais ce qui est sûr, c'est que ce que nous aimons, très spontanément, c'est la diversité/pluralité/hétérogénéité de ses espèces, qui s'épanouissent dans ses nombreux recoins.
Je pense que ce n'est pas un hasard que les combats nationalistes aient commencé dans les années 1960 avec des questions écologistes, même si elles ne portaient pas ce nom. Il y a un rapport très matériel, très concret aux lieux. Quasiment charnel. On les défend contre des boues rouges polluantes, contre des essais nucléaires. On les défend, parce que c'est tout ce qu'il y a à faire, l'urgence, avant même de savoir quoi construire ensemble par-dessus. Et c'est peut-être pour ça que c'est un chaos où se croisent d'anciens du GUD et des maoïstes. Parce qu'il s'agit de réaction, qui n'a pas dans sa naissance le temps nécessaire pour une construction théorique plus aboutie. Parce qu'un rempart, ce n'est pas une route.
En ce moment, on nous impose beaucoup de parler d'identité. Mais qui en parle, et pour en dire quoi? Pour faire dire quoi? J'aimerais qu'on puisse prendre le temps de savoir comment parler de cette identité, ou plutôt ces identités corses. Qu'on ne les laisse pas devenir l'objet d'instrumentalisations racistes, identitaires.
Il y a aussi tant d'autres choses dont j'aimerais que l'on parle : de la femme qui a été assassinée un jour avant qu'Yvan Colonna soit assassiné; des 12 féminicides qui ont eu lieu sur 12 ans; des femmes, des filles, des pédés, de nous; des bizarres; du racisme; des personnes immigrées ou issues de l'immigration; des agriculteur.ices; des carences dans les hôpitaux; du tourisme; de la spéculation immobilière; de l'exploitation salariale et domestique; des rencontres entre les cultures, entre les langues; de coopératives, pour redistribuer justement la nourriture; de sécurité sociale, de réseaux d'entraide; de partage des richesses des savoirs des espaces; de l’accueil des autres, celles et ceux qui veulent venir vivre ici; du soin, des soins; d'amour; de poésie.
J'aime mon île et mes lieux, c'est une certitude qui passe d'abord par des émotions, des sensations. Mes premiers rapports à elle, et les plus forts, sont sensoriels, entretenus par plein de minuscules liens, plein de minuscules petites choses, fragments d'odeurs de couleurs de formes. Je sais que je l'aime, parce que je le sens. Pas parce que je le dois. Pas par principe.
Je suis en colère contre une forme "d'amour" autre, qui m'est extérieure, pleine de fierté, d'honneur, masculine, belliqueuse, conservatrice. Je refuse que ce soit la seule façon de déclarer cet amour, de montrer son attachement.
Aimer pleinement notre territoire, avec joie, et sans se comporter en réactionnaire. Parce qu'il est dommageable de confondre préserver et figer, conserver des espaces et porter des idées conservatrices. Défendre des traditions, des valeurs, en les opposant au progressisme, à l'évolution de certaines normes sociales, me semble un piège immense dont nous devons nous prémunir.
Nos frontières si proches de nous, si tangibles, ces bras de mer qui bercent les contours de notre île, ne doivent pas nous enclaver. Les menaces sur les cultures minoritaires n'ont jamais été la rencontre avec d'autres cultures, mais l'hégémonie de certaines. Nous pouvons, et devons nous défendre sans nous tromper de cible. Ce que nous devons combattre, c'est bien l'uniformisation violente imposée par les États et le système néo-libéral dans son ensemble; jamais l’accueil, le partage, l'ouverture. Jamais la curiosité, le progrès social.
On serait plus étonné de voir quelqu'un revendiquer solennellement son appartenance a la Picardie par exemple, ou plutôt, on ne s'attendrait pas nécessairement qu'il en fasse le sujet principal de ses réflexions ou expressions - alors que quoi de plus évident attendu et presque inévitable pour un.e Corse de parler de son île. Est-ce qu'on peut accepter que ces lieux portent en eux-mêmes quelque chose de particulier, ou bien reconnaître qu'il s'agit d'une construction? Pourrait-on dire qu'il s'agit d'un croisement entre les deux ? A quoi est due cette construction ? A de la résistance face à de nombreux envahissements, négations des êtres habitants ces espaces? Peut-être.
Il y a aussi la force des paysages eux-mêmes, il est vrai très variés, expressifs, avec une puissance tant tellurique qu'aqueuse, végétale : comment nous influence-t-elle ? C'est encore plus mystérieux et difficile à comprendre. Mais ce qui est sûr, c'est que ce que nous aimons, très spontanément, c'est la diversité/pluralité/hétérogénéité de ses espèces, qui s'épanouissent dans ses nombreux recoins.
Je pense que ce n'est pas un hasard que les combats nationalistes aient commencé dans les années 1960 avec des questions écologistes, même si elles ne portaient pas ce nom. Il y a un rapport très matériel, très concret aux lieux. Quasiment charnel. On les défend contre des boues rouges polluantes, contre des essais nucléaires. On les défend, parce que c'est tout ce qu'il y a à faire, l'urgence, avant même de savoir quoi construire ensemble par-dessus. Et c'est peut-être pour ça que c'est un chaos où se croisent d'anciens du GUD et des maoïstes. Parce qu'il s'agit de réaction, qui n'a pas dans sa naissance le temps nécessaire pour une construction théorique plus aboutie. Parce qu'un rempart, ce n'est pas une route.
En ce moment, on nous impose beaucoup de parler d'identité. Mais qui en parle, et pour en dire quoi? Pour faire dire quoi? J'aimerais qu'on puisse prendre le temps de savoir comment parler de cette identité, ou plutôt ces identités corses. Qu'on ne les laisse pas devenir l'objet d'instrumentalisations racistes, identitaires.
Il y a aussi tant d'autres choses dont j'aimerais que l'on parle : de la femme qui a été assassinée un jour avant qu'Yvan Colonna soit assassiné; des 12 féminicides qui ont eu lieu sur 12 ans; des femmes, des filles, des pédés, de nous; des bizarres; du racisme; des personnes immigrées ou issues de l'immigration; des agriculteur.ices; des carences dans les hôpitaux; du tourisme; de la spéculation immobilière; de l'exploitation salariale et domestique; des rencontres entre les cultures, entre les langues; de coopératives, pour redistribuer justement la nourriture; de sécurité sociale, de réseaux d'entraide; de partage des richesses des savoirs des espaces; de l’accueil des autres, celles et ceux qui veulent venir vivre ici; du soin, des soins; d'amour; de poésie.
À cet amour : J'oppose le mien :
Honneur Tendresse
Fierté Vulnérabilité
Grandeur Émerveillement
Triomphe Surprise
Certitude Indétermination
Dogme Doutes
Uniformité Désordre
Assurance Humilité
Autorité Libertés
Devoir Plaisir
Maîtrise Expérience
Ambition Désir
Constance Fluctuations
Exigence Patience
Supériorité Solidarité
Honneur Tendresse
Fierté Vulnérabilité
Grandeur Émerveillement
Triomphe Surprise
Certitude Indétermination
Dogme Doutes
Uniformité Désordre
Assurance Humilité
Autorité Libertés
Devoir Plaisir
Maîtrise Expérience
Ambition Désir
Constance Fluctuations
Exigence Patience
Supériorité Solidarité