Ce qui domine désormais la ville, c’est une monoculture du tourisme qui contraint les autochtones à l’exil et lie le sort de ceux qui restent - et de la ville elle-même - à la volonté quasi exclusive de servir : Venise ne semble plus capable de rien si ce n’est donner naissance à des bed & breakfast, des restaurants et des hôtels, des agences immobilières ; ou vendre des produits « typiques » et organiser des Carnavals de pacotille pour se donner un air de fête perpétuelle.
(…)
Symbole de la ville historique et des modes de vie qui lui sont associés, Venise est le révélateur de la dissolution de l’ancienne forma urbis, désormais réduite à portion congrue. Son dépeuplement même, piloté par les institutions qui devraient le combattre, poursuit un objectif inavoué mais évident : effacer la diversité en réduisant les espaces crées pour la conversation à un décor stérile pour le tourisme. À Venise comme ailleurs, pour sauver la ville historique, il ne suffit pas de réactiver la mémoire du passé ni de savourer le parfum du présent. Il ne suffit pas non plus de protester : la seule mobilisation décisive consiste à réactiver la pratique de la citoyenneté et le droit à la ville, en élaborant un projet qui préserve la singularité de cette ville (et des autres) et qui se donne comme règles incontournables non seulement la préservation du contexte et de l’environnement, mais aussi la priorité donnée à la valeur d’usage de la ville sur la valeur d’échange, à la fonction sociale de la propriété, au droit des habitants à un travail créatif, au droit des plus jeunes à une maison et à un avenir.
À Venise, la fonction sociale de la propriété, quel que soit son détenteur, ne doit pas être de favoriser la rente foncière en décimant la population résidente et en condamnant la ville à mort. La propriété doit au contraire permettre de relancer les activités productives et créatives, pour ainsi repeupler la ville de jeunes et démanteler la monoculture touristico-hôtelière.
(…)
Rien n’est plus mainstream, politiquement correct et socialement respectable que d’exalter et pratiquer la diversité. Diversité de genre, d’orientation sexuelle, de religion, de culture… Mais cette diversité, qui est si précieuse au niveau des choix individuels ne semble guère compter lorsqu’il s’agit des villes qui sont au contraire dominées par une course à l’homogénéisation.
On s’efforce de compenser en urgence l’angoisse d’être à l’arrière-garde d’un « ailleurs » indéterminé et nébuleux. Le plaisir d’imiter prend la place du bonheur de créer, une sorte de cupio dissolvi érige en valeur suprême l’homogénéisation à des modèles « globaux », dévaluant la diversité des paradigmes, l’exception culturelle, la fidélité à soi-même.
Traduction Vannina Bernard-Leoni
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Symbole de la ville historique et des modes de vie qui lui sont associés, Venise est le révélateur de la dissolution de l’ancienne forma urbis, désormais réduite à portion congrue. Son dépeuplement même, piloté par les institutions qui devraient le combattre, poursuit un objectif inavoué mais évident : effacer la diversité en réduisant les espaces crées pour la conversation à un décor stérile pour le tourisme. À Venise comme ailleurs, pour sauver la ville historique, il ne suffit pas de réactiver la mémoire du passé ni de savourer le parfum du présent. Il ne suffit pas non plus de protester : la seule mobilisation décisive consiste à réactiver la pratique de la citoyenneté et le droit à la ville, en élaborant un projet qui préserve la singularité de cette ville (et des autres) et qui se donne comme règles incontournables non seulement la préservation du contexte et de l’environnement, mais aussi la priorité donnée à la valeur d’usage de la ville sur la valeur d’échange, à la fonction sociale de la propriété, au droit des habitants à un travail créatif, au droit des plus jeunes à une maison et à un avenir.
À Venise, la fonction sociale de la propriété, quel que soit son détenteur, ne doit pas être de favoriser la rente foncière en décimant la population résidente et en condamnant la ville à mort. La propriété doit au contraire permettre de relancer les activités productives et créatives, pour ainsi repeupler la ville de jeunes et démanteler la monoculture touristico-hôtelière.
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Rien n’est plus mainstream, politiquement correct et socialement respectable que d’exalter et pratiquer la diversité. Diversité de genre, d’orientation sexuelle, de religion, de culture… Mais cette diversité, qui est si précieuse au niveau des choix individuels ne semble guère compter lorsqu’il s’agit des villes qui sont au contraire dominées par une course à l’homogénéisation.
On s’efforce de compenser en urgence l’angoisse d’être à l’arrière-garde d’un « ailleurs » indéterminé et nébuleux. Le plaisir d’imiter prend la place du bonheur de créer, une sorte de cupio dissolvi érige en valeur suprême l’homogénéisation à des modèles « globaux », dévaluant la diversité des paradigmes, l’exception culturelle, la fidélité à soi-même.
Traduction Vannina Bernard-Leoni