André Kertesz, Corse, 1933
En 1957, Pierre Emmanuelli publiait La « Terre du commun » : quatre siècles de collectivisme agraire en Corse, 1358-1768, aux éditions La pensée universitaire. Depuis cette publication, la recherche universitaire, par exemple celle d’Antoine Franzini, a remis en cause certaines conclusions très générales, certainement idéalisées d’Emmanuelli. Elle a aussi montré qu’il était erroné de traduire Terra di Comune (ou Terra del Comune) par « terre du commun », que la Terra di Comune ne pouvait être que la terre de la commune de Gênes, où cette dernière exerce son autorité à travers un pacte avec les communautés locales.
Au demeurant, l’ouvrage d’Emmanuelli apporte plusieurs exemples importants d’usages politiques et sociaux qui, même s’ils n’étaient pas aussi généralisables et durables que l’auteur semble le croire, ont été longtemps perpétués par de nombreuses communautés, et montrent comment les Corses avaient su développer une culture institutionnelle et juridique propre bien avant la domination française.
André Fazi
Au demeurant, l’ouvrage d’Emmanuelli apporte plusieurs exemples importants d’usages politiques et sociaux qui, même s’ils n’étaient pas aussi généralisables et durables que l’auteur semble le croire, ont été longtemps perpétués par de nombreuses communautés, et montrent comment les Corses avaient su développer une culture institutionnelle et juridique propre bien avant la domination française.
André Fazi
Fonctionnement d’une unité de la terre du commun
Ce mouvement communautaire social, politique et agraire, né dans l’en-deçà des monts ou « Terra di Comune » s’est étendu dans les cinquante premières années, c’est-à-dire à la fin du XIVe siècle, à toutes les régions peuplées de l’au-delà des monts, telles que Bastelica, Eccica-Suarella, à l’exception de quelques rares régions telles la Cinarca où une population peu nombreuse n’a pu venir à bout de la féodalité.
Le fonctionnement de ces unités collectives fut calqué sur celui des communes urbaines et rurales de l’Italie continentale [1].
Au cours des siècles, le principe de l’administration par le peuple directement ou par ses représentants, et celui de la jouissance en commun des biens collectifs, demeurent jusqu’à nos jours, en dépit de l’influence de la civilisation occidentale.
Le fonctionnement de ces unités collectives fut calqué sur celui des communes urbaines et rurales de l’Italie continentale [1].
Au cours des siècles, le principe de l’administration par le peuple directement ou par ses représentants, et celui de la jouissance en commun des biens collectifs, demeurent jusqu’à nos jours, en dépit de l’influence de la civilisation occidentale.
[1] L’Italie continentale a connu depuis le XII° siècle, dans les régions de Pise et de Florence, des communes urbaines et même rurales à tendance égalitaire, administrées par des magistrats élus. Cf. "Il Medioevo", G. Volpe, p. 238; « Podestà », et le Dictionnaire Encyclopédique italien -13 volumes: « Comune ».
Régime administratif
L’esprit communautaire qui a animé les premières sociétés humaines paraît s’être maintenu en Corse d’une manière anachronique jusqu’à la fin du Moyen Âge. Isolés du continent européen avec lequel ils ne pouvaient entretenir qu’un commerce relativement réduit, tant au point de vue matériel que spirituel, les Corses ont pratiqué entre eux le troc, le plus souvent à l’intérieur d’une même unité géographique.
Se mariant entre eux, se défendant ensemble contre les fréquentes incursions de l’ennemi du dehors, se groupant côte à côte sur les crêtes escarpées pour mieux se protéger, ils ont donné au petit village, à la paroisse qui les unissait, non seulement l’âme mais la forme même d’une seule et unique famille. Obligatoirement, l’esprit individualiste a été mis en demeure de s’effacer devant la nécessité d’une vie en commun exigeant des concessions mutuelles.
Voilà comment nous voyons, pour notre part, l’ambiance dans laquelle allait, à partir de 1358, se créer, se développer et s’adapter au cours des siècles, à toutes les contingences et circonstances, une administration paroissiale. L’expérience suivie de réussite, l’exemple venu de la paroisse voisine et même du continent italien, devaient seuls créer une coutume directrice de cette administration.
Il semble que la plus grande liberté ait été laissée à chaque unité communautaire pour s’administrer à sa guise. Nous ne pensons pas qu’il y ait eu, jusqu’au XVI° siècle tout au moins, de règle écrite imposant une manière unique d’administration aux unités de la Terre du Commun. Était seule souveraine la population composant la paroisse. Mieux que quiconque elle connaissait, selon la région et l’époque, ses besoins, ses ressources, ses habitudes et ses aspirations.
Nous verrons que si certaines formes administratives se sont dégagées, généralisées et ont même réussi à se maintenir, d’autres actes administratifs ont gardé un caractère local et temporaire qui ne fait que leur donner d’ailleurs plus d’originalité.
L’Église, très fréquentée à cette époque, était le centre de toute activité. Elle devint le siège de l’administration communautaire, le lieu de réunion des assemblées du peuple. Ces réunions se tinrent d’abord à l’intérieur de l’église. Mais on peut se douter que ce lieu saint pouvait être ainsi facilement troublé. Aussi, par la suite, à moins de mauvais temps, les assemblées du peuple eurent lieu sur la place de l’église [2]. Beaucoup de « ceppi » de notaires sont rédigées sur la place de l’église, le dimanche après la messe.
Jusqu’au XVI° siècle, cette audience publique, que ce fut pour rendre la justice ou pour délibérer, s’appela « arringo » ou « arringheria ». « Arringo » vient de l’italien « arringare » qui signifie haranguer, plaider. L’étymologie de « arringare » semble elle-même devoir se trouver dans le latin « ad rogare ».
Puisque l’église était le lieu de réunion, il était naturel que la paroisse qui constituait déjà une unité spirituelle, devienne la cellule de la vie communautaire. Le fait est que cette division a été scrupuleusement respectée.
La Terre du Commun fut une sorte de confédération de paroisses. Les villages, même distants, qui ne possédaient qu’une église commune, ne formèrent qu’une communauté ; au contraire, les grands villages composés de plusieurs quartiers dotés chacun d’une église, formèrent plusieurs communautés , c’est le cas de Bastelica [3].
Plusieurs communautés entraient au sein d’une unité géographique plus grande, la « pieve». Une pieve couvrait en général une vallée. Nos cantons actuels correspondent pour la plupart aux anciennes pieves.
Les pieves possédaient des biens au nom des communautés qui les composaient, elles en défendaient les intérêts et provoquaient même des assemblées de toutes les paroisses de leur territoire pour étudier des questions plus générales. C’est ainsi que le 25 juin 1656, la Pieve de Moriani réunit son assemblée générale sur la place de l’église de San Nicolao de Moriani pour fixer à 1000 livres, dans la pieve de Moriani, le montant maximum des dots, dont la constante ascension menaçait l’intérêt des enfants mâles dans les familles où il y avait des filles à marier [4].
Un procès-verbal rédigé le dimanche 24 janvier 1655, après la messe, par Gio Battista Maestracci, notaire, relate un engagement identique pris par les habitants de la commune de Ghisoni de ne pas doter de fille au-dessus de la valeur de 300 lires, tant en immeubles qu’en argent.
Au sein des assemblées communautaires le peuple seul était souverain. Un procès-verbal du 1° mai 1585 [5] relate que la population de Piezzole et Francolaccie d’Orezza, réunis pour élire un podestat, a fait voter les hommes et les femmes. Beaucoup d’autres procès-verbaux parlent vaguement de « popoli » ou de « homini » et souvent des deux expressions à la fois [6] : « si sono congregati tutti gli homini et popoli della pieve ».
Les décisions sont toujours prises à la majorité. Reviennent presque toujours les expressions : « … anno convenuto, convengono tutti unitamente e nessuno discordante… ‘ » ont convenu et conviennent tous à l’unanimité sans opposition discordante) ou bien encore : « tutti ad una voce » (tous d’une seule voix) souvent aussi « la maggiore parte homini, popolo e communità » [7].
Par la suite, au cours du XVII° siècle, une importance plus grande fut donnée à la qualité des membres présents. C’est qu’à cette époque le Podestat et les Pères du Commun, dot nous étudierons plus loin les fonctions, devinrent des personnages marquants.
Aussi voit-on apparaître dans les procès-verbaux d’élections des expressions nouvelles telles que « …la più e migliore è maggiore parte » (la meilleure et la plus grande partie) quasi tutta la comunità (presque toute la communauté ). Lorsque les noms des principaux personnages sont cités, on ajoute : « più altri assai... » (plus beaucoup d’autres) ou « e tutto lo detto popolo » ( et tout le dit peuple). Toutes les décisions étaient prises par acclamations « tutti ad una voce ».
Par exemple [8], la communauté de Lugo di Venaco procède le 2 juin 1585 à une consultation de tous les hommes réunis pour décider si l’on pouvait autoriser un nommé Siniorso di Giovanpietro à porter une arquebuse pour chasser les bêtes sauvages qui causaient un préjudice à la communauté.
Le procès-verbal de cette consultation fait mention d’un vote à main levée, puis donne le nom de ceux qui approuvaient la décision à la majorité, et de ceux qui ses désolidarisaient de cette majorité. Bien entendu, en cas de désaccord sur une personne à élire, on procédait généralement à l’élection de quelques sages ou anciens » qui, eux-mêmes, procédaient à l’élection en question.
La souveraineté populaire se manifestera surtout dans l’élection des hommes de son choix chargés de rendre la justice et de veiller à l’exécution des décisions prises par la majorité dans l’intérêt de la Communauté. Le principal de ces magistrats et officiers communaux est le « Podestà ». Son nom est emprunté aux organismes politiques à tendance unitaire déjà formés sur le continent italien dès la fin du XIII° siècle dans les régions de Florence et de Pise principalement [9]. Il est probable, en effet, que le système administratif de la Terre du Commun se soit inspiré des institutions pisanes en particulier [10].
Toujours est-il que le Podestat paraît avoir existé dans toutes les Communautés de la Terre du Commun. À l’origine, plus spécialement chargé d’arbitrer les différends et de rendre en somme une justice « de paix » [11], il devint au cours des siècles, le personnage le plus important de la communauté. Jouissant de l’estime du peuple, il fut considéré par l’administration génoise comme le responsable de la bonne marche de son unité.
Pietro Cirneo nous apprend [12] que chaque cité élit pour un an ses magistrats qui composent un Sénat et font , comme dans les états libres, respecter la loi par tous les citoyen sans distinction. En effet deux autres magistrats appelés « Padri del Comune » (pères du commun), élus également pour un an, siègent aux côtés du Podestat. Ils sont choisis parmi les plus sages et les anciens (« anziani »). Le rôle de ces trois notables consistait à éclairer la communauté de leurs conseils, à faire régner l’ordre, à appliquer les décisions de l’assemblée, à provoquer les réunions du peuple et à les diriger de leur autorité.
Selon l’époque, le lieu et leur tempérament, ces magistrats ont joué un rôle plus effacé ou plus actif. On peut constater toutefois que le peuple, considéré au XIV° siècle comme seul capable de décider, accorde dans la deuxième moitié du XVII° siècle, une plus grande liberté à ses élus. Ceux-ci se considérant tantôt comme les représentants de la population, tantôt comme des « supérieurs » , sont amenés à prendre des décisions aux lieu et place de ceux qui les ont choisis.
Par voie de conséquence, le poste de Podestat devait être de plus en plus recherché et son élection devait bientôt passionner les populations ; comme intéresse aujourd’hui dans nos campagnes l’élection du maire. À noter qu’à la fin du XVIIIe siècle, sous le généralat de Pascal Paoli les communautés sont encore représentées aux consultes par un procureur [13].
En dehors de l’élection des principaux magistrats et officiers que l’on retrouve communément à toutes les époques, la plus grande liberté et toute initiative étaient laissées aux communautés souveraines pour élire tel garde-champêtre, tel chasseur ou telle gardienne de la fontaine de son choix, et décider de lui servir par an , en nature, tant de « bachins » de blé ou d’orge.
Nous avons vu que le peuple de Moriani avait décidé de fixer le montant maximum des dots de ses filles. Bien des contrats pleins d’originalité ont dû être passés avec des notaires, des médecins, des forgerons et autres artisans de talent. Des recherches dans ce sens apporteraient tout au moins des satisfactions de curiosité indéniables.
Se mariant entre eux, se défendant ensemble contre les fréquentes incursions de l’ennemi du dehors, se groupant côte à côte sur les crêtes escarpées pour mieux se protéger, ils ont donné au petit village, à la paroisse qui les unissait, non seulement l’âme mais la forme même d’une seule et unique famille. Obligatoirement, l’esprit individualiste a été mis en demeure de s’effacer devant la nécessité d’une vie en commun exigeant des concessions mutuelles.
Voilà comment nous voyons, pour notre part, l’ambiance dans laquelle allait, à partir de 1358, se créer, se développer et s’adapter au cours des siècles, à toutes les contingences et circonstances, une administration paroissiale. L’expérience suivie de réussite, l’exemple venu de la paroisse voisine et même du continent italien, devaient seuls créer une coutume directrice de cette administration.
Il semble que la plus grande liberté ait été laissée à chaque unité communautaire pour s’administrer à sa guise. Nous ne pensons pas qu’il y ait eu, jusqu’au XVI° siècle tout au moins, de règle écrite imposant une manière unique d’administration aux unités de la Terre du Commun. Était seule souveraine la population composant la paroisse. Mieux que quiconque elle connaissait, selon la région et l’époque, ses besoins, ses ressources, ses habitudes et ses aspirations.
Nous verrons que si certaines formes administratives se sont dégagées, généralisées et ont même réussi à se maintenir, d’autres actes administratifs ont gardé un caractère local et temporaire qui ne fait que leur donner d’ailleurs plus d’originalité.
L’Église, très fréquentée à cette époque, était le centre de toute activité. Elle devint le siège de l’administration communautaire, le lieu de réunion des assemblées du peuple. Ces réunions se tinrent d’abord à l’intérieur de l’église. Mais on peut se douter que ce lieu saint pouvait être ainsi facilement troublé. Aussi, par la suite, à moins de mauvais temps, les assemblées du peuple eurent lieu sur la place de l’église [2]. Beaucoup de « ceppi » de notaires sont rédigées sur la place de l’église, le dimanche après la messe.
Jusqu’au XVI° siècle, cette audience publique, que ce fut pour rendre la justice ou pour délibérer, s’appela « arringo » ou « arringheria ». « Arringo » vient de l’italien « arringare » qui signifie haranguer, plaider. L’étymologie de « arringare » semble elle-même devoir se trouver dans le latin « ad rogare ».
Puisque l’église était le lieu de réunion, il était naturel que la paroisse qui constituait déjà une unité spirituelle, devienne la cellule de la vie communautaire. Le fait est que cette division a été scrupuleusement respectée.
La Terre du Commun fut une sorte de confédération de paroisses. Les villages, même distants, qui ne possédaient qu’une église commune, ne formèrent qu’une communauté ; au contraire, les grands villages composés de plusieurs quartiers dotés chacun d’une église, formèrent plusieurs communautés , c’est le cas de Bastelica [3].
Plusieurs communautés entraient au sein d’une unité géographique plus grande, la « pieve». Une pieve couvrait en général une vallée. Nos cantons actuels correspondent pour la plupart aux anciennes pieves.
Les pieves possédaient des biens au nom des communautés qui les composaient, elles en défendaient les intérêts et provoquaient même des assemblées de toutes les paroisses de leur territoire pour étudier des questions plus générales. C’est ainsi que le 25 juin 1656, la Pieve de Moriani réunit son assemblée générale sur la place de l’église de San Nicolao de Moriani pour fixer à 1000 livres, dans la pieve de Moriani, le montant maximum des dots, dont la constante ascension menaçait l’intérêt des enfants mâles dans les familles où il y avait des filles à marier [4].
Un procès-verbal rédigé le dimanche 24 janvier 1655, après la messe, par Gio Battista Maestracci, notaire, relate un engagement identique pris par les habitants de la commune de Ghisoni de ne pas doter de fille au-dessus de la valeur de 300 lires, tant en immeubles qu’en argent.
Au sein des assemblées communautaires le peuple seul était souverain. Un procès-verbal du 1° mai 1585 [5] relate que la population de Piezzole et Francolaccie d’Orezza, réunis pour élire un podestat, a fait voter les hommes et les femmes. Beaucoup d’autres procès-verbaux parlent vaguement de « popoli » ou de « homini » et souvent des deux expressions à la fois [6] : « si sono congregati tutti gli homini et popoli della pieve ».
Les décisions sont toujours prises à la majorité. Reviennent presque toujours les expressions : « … anno convenuto, convengono tutti unitamente e nessuno discordante… ‘ » ont convenu et conviennent tous à l’unanimité sans opposition discordante) ou bien encore : « tutti ad una voce » (tous d’une seule voix) souvent aussi « la maggiore parte homini, popolo e communità » [7].
Par la suite, au cours du XVII° siècle, une importance plus grande fut donnée à la qualité des membres présents. C’est qu’à cette époque le Podestat et les Pères du Commun, dot nous étudierons plus loin les fonctions, devinrent des personnages marquants.
Aussi voit-on apparaître dans les procès-verbaux d’élections des expressions nouvelles telles que « …la più e migliore è maggiore parte » (la meilleure et la plus grande partie) quasi tutta la comunità (presque toute la communauté ). Lorsque les noms des principaux personnages sont cités, on ajoute : « più altri assai... » (plus beaucoup d’autres) ou « e tutto lo detto popolo » ( et tout le dit peuple). Toutes les décisions étaient prises par acclamations « tutti ad una voce ».
Par exemple [8], la communauté de Lugo di Venaco procède le 2 juin 1585 à une consultation de tous les hommes réunis pour décider si l’on pouvait autoriser un nommé Siniorso di Giovanpietro à porter une arquebuse pour chasser les bêtes sauvages qui causaient un préjudice à la communauté.
Le procès-verbal de cette consultation fait mention d’un vote à main levée, puis donne le nom de ceux qui approuvaient la décision à la majorité, et de ceux qui ses désolidarisaient de cette majorité. Bien entendu, en cas de désaccord sur une personne à élire, on procédait généralement à l’élection de quelques sages ou anciens » qui, eux-mêmes, procédaient à l’élection en question.
La souveraineté populaire se manifestera surtout dans l’élection des hommes de son choix chargés de rendre la justice et de veiller à l’exécution des décisions prises par la majorité dans l’intérêt de la Communauté. Le principal de ces magistrats et officiers communaux est le « Podestà ». Son nom est emprunté aux organismes politiques à tendance unitaire déjà formés sur le continent italien dès la fin du XIII° siècle dans les régions de Florence et de Pise principalement [9]. Il est probable, en effet, que le système administratif de la Terre du Commun se soit inspiré des institutions pisanes en particulier [10].
Toujours est-il que le Podestat paraît avoir existé dans toutes les Communautés de la Terre du Commun. À l’origine, plus spécialement chargé d’arbitrer les différends et de rendre en somme une justice « de paix » [11], il devint au cours des siècles, le personnage le plus important de la communauté. Jouissant de l’estime du peuple, il fut considéré par l’administration génoise comme le responsable de la bonne marche de son unité.
Pietro Cirneo nous apprend [12] que chaque cité élit pour un an ses magistrats qui composent un Sénat et font , comme dans les états libres, respecter la loi par tous les citoyen sans distinction. En effet deux autres magistrats appelés « Padri del Comune » (pères du commun), élus également pour un an, siègent aux côtés du Podestat. Ils sont choisis parmi les plus sages et les anciens (« anziani »). Le rôle de ces trois notables consistait à éclairer la communauté de leurs conseils, à faire régner l’ordre, à appliquer les décisions de l’assemblée, à provoquer les réunions du peuple et à les diriger de leur autorité.
Selon l’époque, le lieu et leur tempérament, ces magistrats ont joué un rôle plus effacé ou plus actif. On peut constater toutefois que le peuple, considéré au XIV° siècle comme seul capable de décider, accorde dans la deuxième moitié du XVII° siècle, une plus grande liberté à ses élus. Ceux-ci se considérant tantôt comme les représentants de la population, tantôt comme des « supérieurs » , sont amenés à prendre des décisions aux lieu et place de ceux qui les ont choisis.
Par voie de conséquence, le poste de Podestat devait être de plus en plus recherché et son élection devait bientôt passionner les populations ; comme intéresse aujourd’hui dans nos campagnes l’élection du maire. À noter qu’à la fin du XVIIIe siècle, sous le généralat de Pascal Paoli les communautés sont encore représentées aux consultes par un procureur [13].
En dehors de l’élection des principaux magistrats et officiers que l’on retrouve communément à toutes les époques, la plus grande liberté et toute initiative étaient laissées aux communautés souveraines pour élire tel garde-champêtre, tel chasseur ou telle gardienne de la fontaine de son choix, et décider de lui servir par an , en nature, tant de « bachins » de blé ou d’orge.
Nous avons vu que le peuple de Moriani avait décidé de fixer le montant maximum des dots de ses filles. Bien des contrats pleins d’originalité ont dû être passés avec des notaires, des médecins, des forgerons et autres artisans de talent. Des recherches dans ce sens apporteraient tout au moins des satisfactions de curiosité indéniables.
[2] Archives départementales, série C – Camerali, Procès-verbaux de réunion - pièce justificative n°9.
[3] Pierre Lamotte, Études Corses, 1956, n° 9.
[4] Archives départementales, série C, laisse 544, n° 6 - pièce justificative n° 9.
[5] Archives départementales, série C (Civile governatore) 110.
[6] Archives départementales, série C, liasse 544 - pièce justificative n° 9.
[7] Archives départementales, série C (Civile governatore) 110.
[8] Archives départementales, série C (Civile governatore) 110.
[9] G. Volpe: "Il Medioevo", Archives du Consulat Général d'Italie à Marseille, p. 328.
[10] Dictionnaire encyclopédique italien - 13 vol. (Corsica storia).
[11] Pietro Cirnéo: "De rebus Corsicis", livre I, p. 59 - Bulletin de la Société des Sciences Historiques et naturelles de la Corse - pièce justificative n° 10.
[12] Pièce justificative n° 10: "... sed etiam singulse civitates suos eligunt magistratos in annum, qui et senatum habent et ut in liberis civitatibus pari jure cives gubernant".
[13] Archives départementales de la Corse, série C - carton 1.
[3] Pierre Lamotte, Études Corses, 1956, n° 9.
[4] Archives départementales, série C, laisse 544, n° 6 - pièce justificative n° 9.
[5] Archives départementales, série C (Civile governatore) 110.
[6] Archives départementales, série C, liasse 544 - pièce justificative n° 9.
[7] Archives départementales, série C (Civile governatore) 110.
[8] Archives départementales, série C (Civile governatore) 110.
[9] G. Volpe: "Il Medioevo", Archives du Consulat Général d'Italie à Marseille, p. 328.
[10] Dictionnaire encyclopédique italien - 13 vol. (Corsica storia).
[11] Pietro Cirnéo: "De rebus Corsicis", livre I, p. 59 - Bulletin de la Société des Sciences Historiques et naturelles de la Corse - pièce justificative n° 10.
[12] Pièce justificative n° 10: "... sed etiam singulse civitates suos eligunt magistratos in annum, qui et senatum habent et ut in liberis civitatibus pari jure cives gubernant".
[13] Archives départementales de la Corse, série C - carton 1.