Vincent Van Gogh, Nature morte avec des fruits et des châtaignes
Miracle de la marchandise. Où un fétichisme en chasse un autre. Obligeant à penser les produits, les manières de les fabriquer et de les vendre, l’économie, on le sait, oublie souvent le sang des hommes, et souvent pour le pire ! Le concept d’économie identitaire en tentant de se construire n’a pas échappé à cette règle-là, en espérant y trouver le meilleur. Sans doute parce que, d’emblée, sa préoccupation première a été située dans la valorisation d’un territoire pour et par les hommes qui y vivent et qui y vivront. Sans doute aussi parce que les premiers à avoir travaillé sur ces termes d’économie identitaire, savaient, à force d’expériences, à force de connivence avec cette société qui est la nôtre que la barbarie ne vient pas toujours des autres.
L’économie identitaire ne se définit donc jamais, à travers ces lignes, par la nationalité de ceux qui y participeraient. Et que ceux qui sourient de ce qui peut paraître, au mieux une précaution d’usage (nous sommes bien évidemment entre humanistes, n’est-ce-pas !) et au pire, un habillage démagogique, continuent de sourire. Il ne s’agit ni de l’un ni de l’autre.
Ceci dit, d’identité corse, il en évidemment beaucoup question.
Un des intérêts de la rencontre entre l’économie et l’identité c’est que la première oblige la seconde à se frotter au réel. Penser, décider que l’identité peut servir et être servie par l’économie, c’est se mettre à rationaliser un certain nombre de ses éléments constitutifs. A essayer de les systématiser, puisque l’économie est animée du principe de reproductibilité. Permanentes dans leur nature sont les questions qui se posent ainsi : « qu’est-ce qui dans notre identité peut permettre ou freiner l’économie » et en retour « comment l’économie peut détruire ou enrichir notre identité ». Il s’agit bien de l’histoire des gestes, des métiers, de la manière de travailler, de la manière de consommer, de la manière d’investir, d’épargner, de prêter, de vendre. Il s’agit bien d’un rapport à la valorisation du temps et de l’espace.
Tenter ces interrogations, c’est explorer le fonctionnement social de « notre » identité et la faire exploser. Car il y a en « nous » des consommateurs et des producteurs, des emprunteurs et des prêteurs, des vendeurs et des acheteurs, des salariés et des patrons, des fonctionnaires et des usagers de services publics…en somme des multitudes de comportements économiques dans lesquels se lit l’identité à travers des intérêts fort diversifiés et qui peuvent être tout à fait contradictoires. C’est même nécessaire.
Le deuxième intérêt de la rencontre entre l’économie et l’identité c’est que la seconde, lorsqu’elle est conscientisée, collectivement et individuellement, sait mettre des limites à la première. Grosso modo c’est toute l’histoire récente de la Corse et la force des refus. Mais les limites sont aussi d’un autre ordre : parce que l’économie est du domaine de la mise en œuvre de stratégies alors que l’identité se construit et se déconstruit dans des imaginaires jamais prédéfinis, la rencontre des deux ne saurait être fusionnelle. Alors que le politique, par nature peut instrumentaliser tous les éléments de l’identité, les éléments collectifs et les éléments intimes. Et vice et versa.
L’économie identitaire est fondamentalement une volonté d’exploiter l’identité comme une ressource. Mais dans un sens quasi-écologique du terme. D’enrichissement permanent de la ressource et de préservation de sa diversité.