J’ai découvert Leonor Fini il y a quelques années en fouillant dans les archives de ma grand-mère : sur une photo de la place du village de Nonza datant des années 1960 - le style des voitures en témoigne-, une femme vêtue d’une longue robe blanche et d’un chapeau majestueux qui détonnait avec le vêtement plus classique des autres. Son élégance m’a frappé, et je me suis demandé qui elle était.
Plus tard, en fouillant dans la cave de la maison familiale, on a retrouvé des aquarelles, offertes par l’artiste à notre famille. J’ai appris qu’elle avait l’habitude d’offrir des esquisses aux amis et habitants du village.
C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à m’intéresser à sa vie, à son œuvre et à son rapport à Nonza.
En effectuant quelques recherches j’ai donc découvert que Leonor Fini avait vécu de nombreux étés – des années 1950 aux années 1970 – dans les ruines du couvent San Francescu, à quelques kilomètres au sud du village. C’est un lieu que je connais depuis mon enfance, puisque nous avions l’habitude d’y pêcher les oursins en famille, sur la petite hanse rocheuse située en contrebas de l’édifice. Je me souviens que l’entrée du couvent nous était interdite car jugée trop dangereuse.
Des années plus tard ma curiosité m’a conduit à m’introduire dans ces ruines, en empruntant un vieux chemin qui serpente à flanc de falaise, reliant le village au couvent. Puis d’y découvrir les ruines de ce bâtiment datant du XIIIe siècle. Son toit éventré, ses tombes à même le sol remplies d’ossements humains, bardées d’inscriptions en latin, ses moulures effacées par l’effet du temps: j’ai tout de suite été saisi par la force du lieu. Une énergie particulière s’y dégageait, comme si l’on pouvait sentir la présence d’esprits.
Pourquoi Leonor Fini avait-elle choisi ce couvent ? La réponse devenait évidente: la personnalité, le style surréaliste et obscur de ses œuvres correspondaient parfaitement à l’aura mystique de ses murs.
Plus tard, en fouillant dans la cave de la maison familiale, on a retrouvé des aquarelles, offertes par l’artiste à notre famille. J’ai appris qu’elle avait l’habitude d’offrir des esquisses aux amis et habitants du village.
C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à m’intéresser à sa vie, à son œuvre et à son rapport à Nonza.
En effectuant quelques recherches j’ai donc découvert que Leonor Fini avait vécu de nombreux étés – des années 1950 aux années 1970 – dans les ruines du couvent San Francescu, à quelques kilomètres au sud du village. C’est un lieu que je connais depuis mon enfance, puisque nous avions l’habitude d’y pêcher les oursins en famille, sur la petite hanse rocheuse située en contrebas de l’édifice. Je me souviens que l’entrée du couvent nous était interdite car jugée trop dangereuse.
Des années plus tard ma curiosité m’a conduit à m’introduire dans ces ruines, en empruntant un vieux chemin qui serpente à flanc de falaise, reliant le village au couvent. Puis d’y découvrir les ruines de ce bâtiment datant du XIIIe siècle. Son toit éventré, ses tombes à même le sol remplies d’ossements humains, bardées d’inscriptions en latin, ses moulures effacées par l’effet du temps: j’ai tout de suite été saisi par la force du lieu. Une énergie particulière s’y dégageait, comme si l’on pouvait sentir la présence d’esprits.
Pourquoi Leonor Fini avait-elle choisi ce couvent ? La réponse devenait évidente: la personnalité, le style surréaliste et obscur de ses œuvres correspondaient parfaitement à l’aura mystique de ses murs.
Chimères et théâtralité
Eddy Brofferio, 1965
J’ai d’emblée été frappé par l’intemporalité, la modernité et la diversité des œuvres de Leonor Fini, qui auraient très bien pu être réalisées aujourd’hui. Son style, qui dépeint chimères et autres monstres dans des lieux fantastiques m’inspire beaucoup. Elle a une manière très intéressante de peindre les corps, aux proportions souvent exagérées et déshumanisées et aux silhouettes parfois angéliques, parfois démoniaques. Et les tissus, parures et tenues où l’on peut définir l’épaisseur et le poids d’un voile au premier coup d’œil. Ses esquisses sont pour moi une mine d’informations, où je peux interpréter certaines lignes ou courbes tracées comme des lignes de coutures, des formes de construction, une emmanchure, un col etc. J’aime particulièrement La gardienne de l’oeuf Noir (1955) qui trône dans une ambiance de quasi-science-fiction dystopique et la série de dessins en techniques mixtes Fruits de la passion (1979-82).
Dans ses photographies costumées dans le couvent de Nonza, je trouve un intérêt plus stylistique: ces mises en scène théâtrales m’attirent par leur aspect mode, où les modèles posent comme pour une campagne de magazine. Elles reflètent une volonté artistique libertaire précoce pour l’époque, surtout en Corse, et qui personnellement me parle pour deux raisons. D’abord tout simplement parce que ces photos ont été réalisées dans mon village ; et aussi parce que Leonor Finir prouve qu’il est possible, y compris en Corse, de produire un art de qualité, déviant et singulier ; en faisant du lieu et de l’environnement des personnages à part entière de l'œuvre .
Pour le moment, ses costumes n’ont pas de lien très directement perceptible avec mon travail, mais leur aspect majestueux, extravagants et singuliers m'accompagnent. Ces photos me donnent envie de créer une œuvre qui fasse dialoguer mes origines – la Corse et Nonza en particulier – et la création de mode contemporaine.
Dans ses photographies costumées dans le couvent de Nonza, je trouve un intérêt plus stylistique: ces mises en scène théâtrales m’attirent par leur aspect mode, où les modèles posent comme pour une campagne de magazine. Elles reflètent une volonté artistique libertaire précoce pour l’époque, surtout en Corse, et qui personnellement me parle pour deux raisons. D’abord tout simplement parce que ces photos ont été réalisées dans mon village ; et aussi parce que Leonor Finir prouve qu’il est possible, y compris en Corse, de produire un art de qualité, déviant et singulier ; en faisant du lieu et de l’environnement des personnages à part entière de l'œuvre .
Pour le moment, ses costumes n’ont pas de lien très directement perceptible avec mon travail, mais leur aspect majestueux, extravagants et singuliers m'accompagnent. Ces photos me donnent envie de créer une œuvre qui fasse dialoguer mes origines – la Corse et Nonza en particulier – et la création de mode contemporaine.
La mode, les corps, les matières
J’ai été diplômé de l’Institut Français de la Mode en 2022, avec un cursus Fashion Design et Leathergoods. Pendant ces trois années j’ai expérimenté beaucoup de styles, silhouettes, matières etc., dans une pratique axée sur la créativité, par une méthodologie qui débute toujours par la recherche d’inspirations visuelles, issues de tous les mediums. L’une des satisfactions que je tire du design de mode réside dans le fait que « tout » peut être source d’inspiration : des passants dans la rue, la forme d’une céramique, l’architecture d’un bâtiment, la musique…
Aujourd’hui je travaille au lancement de ma marque de maroquinerie et d’accessoires. Je souhaite proposer une approche « déviante » et créative du sac à main traditionnel, par l’expérimentation, la recherche de formes, de constructions et d’assemblages à la main et l’utilisation de matériaux nobles, comme le cuir bien sûr, via un savoir-faire technique.
Mon projet s’articule autour de trois piliers : questionner la relation et les besoins entre l’objet et son propriétaire, de quelle manière cet objet peut s’inscrire comme « témoin » de la vie quotidienne de son utilisateur, et enfin une attention rigoureuse aux détails et au processus de fabrication, tout en incluant une démarche éco-responsable par l’innovation ou l’utilisation de matériaux de seconde-main et recyclables. Le cuir par exemple est par définition un matériau de premier choix car un « left-over » de l’industrie agro-alimentaire.
Si auparavant j’avais une approche plus technique dans mes créations par l’utilisation de tissus synthétiques, j’ai aujourd’hui un attrait plus particulier pour les tissus traditionnels issus de fibres naturelles : comme le lin, la laine ou le chanvre. Je m’intéresse également aux nouvelles fibres artificielles non polluantes comme le Lyocell, ou le cuir végétal issu du liège, de champignon totalement biodégradable… (à ne pas confondre avec le cuir dit végan qui est très souvent un cuir de mauvaise qualité fabriqué à base de fibres synthétiques issu du de l’industrie pétrochimique).
Aujourd’hui je travaille au lancement de ma marque de maroquinerie et d’accessoires. Je souhaite proposer une approche « déviante » et créative du sac à main traditionnel, par l’expérimentation, la recherche de formes, de constructions et d’assemblages à la main et l’utilisation de matériaux nobles, comme le cuir bien sûr, via un savoir-faire technique.
Mon projet s’articule autour de trois piliers : questionner la relation et les besoins entre l’objet et son propriétaire, de quelle manière cet objet peut s’inscrire comme « témoin » de la vie quotidienne de son utilisateur, et enfin une attention rigoureuse aux détails et au processus de fabrication, tout en incluant une démarche éco-responsable par l’innovation ou l’utilisation de matériaux de seconde-main et recyclables. Le cuir par exemple est par définition un matériau de premier choix car un « left-over » de l’industrie agro-alimentaire.
Si auparavant j’avais une approche plus technique dans mes créations par l’utilisation de tissus synthétiques, j’ai aujourd’hui un attrait plus particulier pour les tissus traditionnels issus de fibres naturelles : comme le lin, la laine ou le chanvre. Je m’intéresse également aux nouvelles fibres artificielles non polluantes comme le Lyocell, ou le cuir végétal issu du liège, de champignon totalement biodégradable… (à ne pas confondre avec le cuir dit végan qui est très souvent un cuir de mauvaise qualité fabriqué à base de fibres synthétiques issu du de l’industrie pétrochimique).
La création en Corse ?
Eddy Brofferio, 1965
J’ai un grand respect pour l'œuvre et la personne d’Ange Leccia, qui est pour moi un exemple, un mentor, et dont l'œuvre et la vision artistique me sont chères. Dominique Degli Esposti également, notamment pour les Paese in Luce qui eurent lieu dans les années 1990 à Nonza, auxquels j’ai pu participer, enfant.
Je souhaiterais à l’avenir collaborer avec des artisans locaux et artistes insulaires, pour mettre en commun nos savoir-faire, les préserver et créer une vitrine pour la Corse axée sur l’artisanat, la culture et la création artistique. Aujourd’hui 100% de mon activité est basée à Paris, où je collabore avec des artistes franciliens et où le réseau colossal des acteurs de la mode est centralisé. Il est en effet dommage que la Corse, comme d’autres régions, souffre d’une fuite de sa jeunesse créative vers la capitale ; même si récemment certaines structures se sont formées (je pense notamment à De Renava à Bonifacio ou Providenza à Pieve qui viennent renforcer le FRAC à Corte), il y a encore du chemin à parcourir.
Je souhaiterais à l’avenir collaborer avec des artisans locaux et artistes insulaires, pour mettre en commun nos savoir-faire, les préserver et créer une vitrine pour la Corse axée sur l’artisanat, la culture et la création artistique. Aujourd’hui 100% de mon activité est basée à Paris, où je collabore avec des artistes franciliens et où le réseau colossal des acteurs de la mode est centralisé. Il est en effet dommage que la Corse, comme d’autres régions, souffre d’une fuite de sa jeunesse créative vers la capitale ; même si récemment certaines structures se sont formées (je pense notamment à De Renava à Bonifacio ou Providenza à Pieve qui viennent renforcer le FRAC à Corte), il y a encore du chemin à parcourir.
Pour aller plus loin
Recherches de Jean-Baptiste Dominici, diplôme de fin d'étude