Vu « « d’en face », le village est beau, étendu sur un flanc de montagne, les crêtes en haut, la mer en bas. Un village capcorsin : son clocher, ses rues étroites ; les murs des plus vieilles maisons sont en pierres sèche des carrières de Brando, les murs des grandes maisons d’américains ne sont plus qu’un souvenir des teintes chaudes inspirées de la Liguria Italienne, les toits sont en lauze couleur gris bleuté. Personne ne s’est jamais étonné de l’écrasante disproportion entre ces deux types de maison de village. Comme on ne s’étonne plus de l’imposante stature du Louvre face aux maisons médiévales.
Puis on s’approche, là une villa sur trois étages avec une balustrade provençale (et un toit en tuiles roses), plus loin des murs de parpaing immenses crépis au ciment, un garage avec porte télécommandée, du grillage (contre les sangliers), une montée vertigineuse pour voiture tout terrain. Les premières maisons rénovées ont des fenêtres en plastique avec de gros dormants qui recouvrent l’ancien appui de pierre, les plus récentes ont des persiennes en aluminium, gris sombre métallisé comme les voitures, les châssis appliqués en débord sur l’encadrement des fenêtres.
Personne ne s’étonne de cette dissonance dans le paysage urbain.
Et pourtant si l’on insérait quelques accords de musique pop au milieu d’une mélodie polyphonique traditionnelle, tous sursauteraient.
Un rapport d’information a été enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mai 2020 au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ; il s’intitule : « Les maires face au patrimoine historique architectural : protéger, rénover, valoriser ». Ce rapport fait état d’une situation que nous connaissons aussi en Corse, le constat est souvent juste, mais il préconise un usage mieux organisé des outils institutionnels existants. Cela semble une évidence ; hélas l’histoire récente des métamorphoses de nos municipalités rurales, montre qu’il est mal compris, et donc peu utilisé si ce n’est inefficace car il ne cible pas le véritable fléau : la production industrielle d’éléments d’architecture à bas prix et la force de son marketing.
Nous pensons que la vraie force de notre territoire en Corse ce sont ses habitants.
Nous souhaitons imaginer un programme de sensibilisation, de pédagogie, de partage des constats, et de participation à la conscience collective en envoyant un message simple : le bien public est aussi fait du collage des biens privés et de son dévoilement discret. Les « points de vue » appartiennent à tous, même lorsque le regard se perd à travers une faille dans un mur où vole le chant secret d’un trou de serrure.
Puis on s’approche, là une villa sur trois étages avec une balustrade provençale (et un toit en tuiles roses), plus loin des murs de parpaing immenses crépis au ciment, un garage avec porte télécommandée, du grillage (contre les sangliers), une montée vertigineuse pour voiture tout terrain. Les premières maisons rénovées ont des fenêtres en plastique avec de gros dormants qui recouvrent l’ancien appui de pierre, les plus récentes ont des persiennes en aluminium, gris sombre métallisé comme les voitures, les châssis appliqués en débord sur l’encadrement des fenêtres.
Personne ne s’étonne de cette dissonance dans le paysage urbain.
Et pourtant si l’on insérait quelques accords de musique pop au milieu d’une mélodie polyphonique traditionnelle, tous sursauteraient.
Un rapport d’information a été enregistré à la Présidence du Sénat le 13 mai 2020 au nom de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation ; il s’intitule : « Les maires face au patrimoine historique architectural : protéger, rénover, valoriser ». Ce rapport fait état d’une situation que nous connaissons aussi en Corse, le constat est souvent juste, mais il préconise un usage mieux organisé des outils institutionnels existants. Cela semble une évidence ; hélas l’histoire récente des métamorphoses de nos municipalités rurales, montre qu’il est mal compris, et donc peu utilisé si ce n’est inefficace car il ne cible pas le véritable fléau : la production industrielle d’éléments d’architecture à bas prix et la force de son marketing.
Nous pensons que la vraie force de notre territoire en Corse ce sont ses habitants.
Nous souhaitons imaginer un programme de sensibilisation, de pédagogie, de partage des constats, et de participation à la conscience collective en envoyant un message simple : le bien public est aussi fait du collage des biens privés et de son dévoilement discret. Les « points de vue » appartiennent à tous, même lorsque le regard se perd à travers une faille dans un mur où vole le chant secret d’un trou de serrure.
Parties prenantes et constat
L’architecte : En Corse il y a 245 architectes, 98 sont des femmes. 137 bâtiments sont Classés, 184 bâtiments sont inscrits à l’inventaire des Monuments historiques, cela ne représente qu’1% des bâtiments construits.
Pour Éric Wirth, vice-président du Conseil national de l'ordre des architectes, » Il y a une prise de conscience dans les écoles de formation d'architectes, que la construction de demain sera très différente de celle d'aujourd'hui : les jeunes générations ne vont plus construire mais réhabiliter, rénover ou transformer ». La réhabilitation est d'autant plus primordiale qu'elle permet d'adapter le bâti aux nouveaux modes de vie en évitant de construire toujours plus et d'artificialiser les sols.
Les organismes : Il existe une grande quantité d’organisme qui gèrent, contrôlent, ou encouragent la protection du patrimoine bâti, rural et urbain, classé ou simplement là : les ACE, ABF, CRMH, APAV, CAUE, PLU, PLUI, PADDUC, SPR, ANCT, FNCAUE … comme une ritournelle abstraite.
Les maires : Ainsi les maires se sentent démunis face à la pluralité des enjeux, a fortiori s'ils n'ont pas de formation adéquate ou manquent d'informations sur les outils existants. Ils déplorent que les démarches s'apparentent souvent à un parcours du combattant, alors que le patrimoine peut s'avérer un extraordinaire levier de développement pour leur territoire. Dès le début de leur nouveau mandat municipal, les maires seront très vite confrontés à un deuxième enjeu : comment reconnaitre ce qui relève du patrimoine et comment le valoriser ? Répondre à ces questions nécessite d'adopter une approche « intégrée » incluant le patrimoine dans le maillage du village, pour permettre à tous les citoyens de se l'approprier, quitte à le faire évoluer pour tenir compte des changements de besoins et usages. « Restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire... le meilleur moyen de conserver un édifice, c'est de lui trouver un emploi ».
La valorisation de l’existant nécessite aussi la recherche de visibilité. À cette fin, et au-delà de l'intervention « physique », une valorisation « immatérielle » du patrimoine peut s'avérer indispensable.
Éric Chalhoub, coprésident de l'association Maisons paysannes de France, souligne que les associations peuvent aider les communes dans la connaissance préalable de ce patrimoine vernaculaire : « L'acte premier pour un maire est d'identifier le patrimoine qui nécessite d'être protégé et valorisé. Pour réaliser ce travail, les associations peuvent être sollicitées ». Jean-Michel Gelly administrateur de l'association, déclare : « On est frappés par la méconnaissance des élus sur l'architecture et le patrimoine de leur village. Il y a un vrai problème d'identification » .
L’école : Pour parvenir à une appropriation du patrimoine, témoignage de notre histoire et de nos racines, par tous les acteurs locaux, il est nécessaire de favoriser le développement d'une véritable « éducation au patrimoine. Pour France Poulain, ABF : « Il faut faire en sorte que tout le monde se sente dépositaire du patrimoine ». On peut notamment saluer l'action baptisée « Levez les yeux», conduite par le ministère de l'Éducation nationale en partenariat avec celui de la Culture. Au cours d'une journée « hors les murs », les enseignants emmènent leurs élèves à la rencontre de sites patrimoniaux locaux pour leur apprendre à lire l'architecture et éduquer leur regard.
Les habitants : Le patrimoine est constitutif de l’identité d’un lieu et de celle de ses habitants. Il offre un récit collectif et une identité propre que les habitants peuvent s'approprier et sur lesquels le maire peut s'appuyer pour construire un projet de territoire. Trop souvent hélas, nous avons tendance à considérer qu'il existerait un « grand patrimoine », méritant l'attention, et un « petit patrimoine », peinant à trouver sa place.
Selon Guy Sallavuard, directeur des relations institutionnelles de la Fondation du patrimoine : « La société civile porte une compétence volontaire et bénévole qui n'est aujourd'hui pas utilisée. Il existe une expertise, souvent généreuse, qui n'est pas mise en valeur. Il faut valoriser cette coopération et profiter des ressources disponibles ».
Philippe Toussaint, président de l'association Vieilles Maisons Françaises, s'étonne : « Je suis stupéfait que l'élaboration d'un Schéma de Cohérence territoriale (SCoT) implique l'obligation d'identifier les cotations agricoles mais pas le patrimoine d'une collectivité ».
Mais pour que les habitants s'approprient pleinement le patrimoine existant, il faut parfois envisager de l'adapter aux évolutions de la commune et aux nouveaux besoins des familles qui l’habitent. La valorisation peut donc consister à réfléchir à de nouveaux usages pour les édifices existants. Leur reconversion est d'ailleurs parfois nécessaire si l'on veut offrir un cadre de vie adapté et de qualité aux habitants mais aussi répondre aux enjeux actuels, par exemple en termes de transition énergétique. Le potentiel d'adaptation aux usages contemporains dépend bien sûr de la maîtrise du savoir-faire technique qu'exige le bâti ancien, du recours à des professionnels qualifiés et du respect de l'identité du lieu.
Le Patrimoine : Il n’y a pas un patrimoine mais des patrimoines.
La valorisation du patrimoine bâti exige d'être anticipée, réfléchie et surtout bien intégrée aux projets de développement des communes, même (ou surtout) de petite taille. La phase de diagnostic patrimonial, qui permet d'identifier et de hiérarchiser les interventions, ne doit pas être sous-estimée. Chaque projet doit faire l'objet d'une stratégie adaptée (rénovation, réhabilitation, requalification), tournée vers un objectif de protection et de sauvegarde, mais donnant aussi la possibilité de développer un langage architectural neuf. C'est le sens de la création des sites patrimoniaux remarquables (SPR), initiés par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Dans les faits, il est hélas très difficile, pour certaines communes, de réaliser cette analyse globale et de bien identifier ce qui relève du patrimoine, notamment en raison d'un manque d'ingénierie et de moyens en personnel. De surcroît, une large partie du patrimoine, du fait qu'il n'est ni classé ni protégé, échappe aux radars de la protection.
« Pigeonniers, lavoirs, granges, etc. : il existe sur notre territoire tout un patrimoine non classé et non protégé mais ayant un intérêt patrimonial ». Ces propos sont confirmés par Olivier Lenoir, délégué général du réseau Rempart, qui ajoute : « Le patrimoine qu'il faut valoriser n'est pas seulement le patrimoine communal mais aussi le patrimoine de personnes privées ».
Les métiers : Rénover les constructions anciennes, non classifiées Monuments Historiques, c’est difficile. Car les mots comme : patrimoine, histoire, intégration, paysage, respect du passé, invention, modernité (quand même) et qui trouvent tout leur sens dans l’écriture, peuvent soudain perdre de ce sens dans le langage architectural.
S'agissant des compétences en matière de rénovation, beaucoup parlent de l'enjeu, crucial dans les années à venir, de la préservation de certains métiers très spécialisés. Certains de ces métiers étant en effet susceptibles de disparaître, il est impératif de se préoccuper de la formation. Que ce soient les maçons, les couvreurs, les verriers, les charpentiers ou les tailleurs de pierre, notre territoire doit d'ores et déjà faire face à une pénurie de main-d’œuvre. La crise économique de 2008 a eu des effets dévastateurs : faillites nombreuses, fermetures d'entreprises, non réouvertures par les compagnons de nouvelles sessions de formation, etc. Les maires sont donc de plus en plus confrontés à un déficit de ressources humaines. « Nous avons perdu de vue que le bâtiment est un métier noble ».
Enfin, il y a bien sûr un enjeu de formation à ces métiers très spécialisés, qui n'attirent malheureusement plus les jeunes. L'orientation vers les filières artisanales et professionnelles est trop souvent faite par l'échec dans notre pays. Il faut en finir avec cette conception. Il convient de travailler à long terme auprès de la jeunesse pour valoriser les métiers du patrimoine et susciter des vocations. C'est en encourageant la formation professionnelle et l'apprentissage que nous serons en capacité de « recréer tout un écosystème dédié au patrimoine », juge Olivier Lenoir, délégué général du réseau Rempart.
Le conseiller d’État : À partir de l'état des lieux patrimonial, une deuxième étape consiste à définir une méthode de travail et à mobiliser les bons professionnels. Il s'agit ici, pour les maires, de relever un défi organisationnel afin de bien identifier les acteurs disponibles sur le terrain. Or la lisibilité n'est pas toujours aisée dans ce domaine, et nombre d'entre eux avouent être perdus devant la pluralité des intervenants.
Ce défi de lisibilité rejoint en réalité celui de l'expertise disponible, car les petites communes sont souvent démunies s'agissant de la compétence en matière de maîtrise d'ouvrage, ce qui peut constituer un frein à la réalisation des projets. En effet, jusqu'en 2005, c'est l'État qui se chargeait, pour le compte des communes, de la maîtrise d'ouvrage des projets liés au patrimoine protégé (monuments classés ou inscrits). Désormais, ce sont les communes qui sont maîtres d'ouvrage des travaux réalisés sur le patrimoine bâti dont elles sont propriétaires. Il s'ensuit donc un besoin d'ingénierie pour les communes ou groupements de communes, qui n'ont pas toujours les moyens de disposer de services dédiés. « Le maire est souvent débordé, il n'a ni le temps ni les moyens humains. C'est essentiellement un problème d'ingénierie administrative. C'est ce qui empêche parfois que les crédits soient consommés ».
En pratique, le maire peut recourir à l'Architecte Conseil d’État (ACE) sur n'importe quel sujet, qu'il s'agisse du patrimoine classé ou non classé, la difficulté tient à ce que les maires ne savent pas toujours qu'il existe des ACE. Et surtout ils ne peuvent pas faire directement appel à eux mais doivent passer par la DDT compétente, la DRAC ou la Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), Et il n’y a qu’un seul ACE en Corse.
Le financement public : Il existe le Fonds incitatif ciblé et partenarial (FIP) à destination des petites communes. Créé par le ministère de la Culture en 2018, il permet de financer des travaux sur les monuments historiques situés dans des communes à faibles ressources. Ce fonds, doté de 15 millions d'euros en 2018 et du même montant pour 2019, ne s'adresse justement qu'aux communes de moins de 2 000 habitants. Il permet à l'État de subventionner des travaux sur des monuments protégés à hauteur de 80 % maximum pour le patrimoine classé, et 40 % pour le patrimoine inscrit, uniquement si les régions s'engagent à subventionner au moins 15 % du montant total de l'opération de restauration. Le ministère de la Culture expose : « Les objectifs de ce fonds sont de susciter de nouveaux projets ou de permettre la réalisation de projets n'ayant pas pu trouver la totalité de leur financement à ce jour, mais également de faire des régions des partenaires importants ».
Nous notons que ce fonds a été de 9 095 € en 2019 en Corse contre par exemple, 1 333 975 € en Bretagne.
Pour Éric Wirth, vice-président du Conseil national de l'ordre des architectes, » Il y a une prise de conscience dans les écoles de formation d'architectes, que la construction de demain sera très différente de celle d'aujourd'hui : les jeunes générations ne vont plus construire mais réhabiliter, rénover ou transformer ». La réhabilitation est d'autant plus primordiale qu'elle permet d'adapter le bâti aux nouveaux modes de vie en évitant de construire toujours plus et d'artificialiser les sols.
Les organismes : Il existe une grande quantité d’organisme qui gèrent, contrôlent, ou encouragent la protection du patrimoine bâti, rural et urbain, classé ou simplement là : les ACE, ABF, CRMH, APAV, CAUE, PLU, PLUI, PADDUC, SPR, ANCT, FNCAUE … comme une ritournelle abstraite.
Les maires : Ainsi les maires se sentent démunis face à la pluralité des enjeux, a fortiori s'ils n'ont pas de formation adéquate ou manquent d'informations sur les outils existants. Ils déplorent que les démarches s'apparentent souvent à un parcours du combattant, alors que le patrimoine peut s'avérer un extraordinaire levier de développement pour leur territoire. Dès le début de leur nouveau mandat municipal, les maires seront très vite confrontés à un deuxième enjeu : comment reconnaitre ce qui relève du patrimoine et comment le valoriser ? Répondre à ces questions nécessite d'adopter une approche « intégrée » incluant le patrimoine dans le maillage du village, pour permettre à tous les citoyens de se l'approprier, quitte à le faire évoluer pour tenir compte des changements de besoins et usages. « Restaurer un édifice, ce n'est pas l'entretenir, le réparer ou le refaire... le meilleur moyen de conserver un édifice, c'est de lui trouver un emploi ».
La valorisation de l’existant nécessite aussi la recherche de visibilité. À cette fin, et au-delà de l'intervention « physique », une valorisation « immatérielle » du patrimoine peut s'avérer indispensable.
Éric Chalhoub, coprésident de l'association Maisons paysannes de France, souligne que les associations peuvent aider les communes dans la connaissance préalable de ce patrimoine vernaculaire : « L'acte premier pour un maire est d'identifier le patrimoine qui nécessite d'être protégé et valorisé. Pour réaliser ce travail, les associations peuvent être sollicitées ». Jean-Michel Gelly administrateur de l'association, déclare : « On est frappés par la méconnaissance des élus sur l'architecture et le patrimoine de leur village. Il y a un vrai problème d'identification » .
L’école : Pour parvenir à une appropriation du patrimoine, témoignage de notre histoire et de nos racines, par tous les acteurs locaux, il est nécessaire de favoriser le développement d'une véritable « éducation au patrimoine. Pour France Poulain, ABF : « Il faut faire en sorte que tout le monde se sente dépositaire du patrimoine ». On peut notamment saluer l'action baptisée « Levez les yeux», conduite par le ministère de l'Éducation nationale en partenariat avec celui de la Culture. Au cours d'une journée « hors les murs », les enseignants emmènent leurs élèves à la rencontre de sites patrimoniaux locaux pour leur apprendre à lire l'architecture et éduquer leur regard.
Les habitants : Le patrimoine est constitutif de l’identité d’un lieu et de celle de ses habitants. Il offre un récit collectif et une identité propre que les habitants peuvent s'approprier et sur lesquels le maire peut s'appuyer pour construire un projet de territoire. Trop souvent hélas, nous avons tendance à considérer qu'il existerait un « grand patrimoine », méritant l'attention, et un « petit patrimoine », peinant à trouver sa place.
Selon Guy Sallavuard, directeur des relations institutionnelles de la Fondation du patrimoine : « La société civile porte une compétence volontaire et bénévole qui n'est aujourd'hui pas utilisée. Il existe une expertise, souvent généreuse, qui n'est pas mise en valeur. Il faut valoriser cette coopération et profiter des ressources disponibles ».
Philippe Toussaint, président de l'association Vieilles Maisons Françaises, s'étonne : « Je suis stupéfait que l'élaboration d'un Schéma de Cohérence territoriale (SCoT) implique l'obligation d'identifier les cotations agricoles mais pas le patrimoine d'une collectivité ».
Mais pour que les habitants s'approprient pleinement le patrimoine existant, il faut parfois envisager de l'adapter aux évolutions de la commune et aux nouveaux besoins des familles qui l’habitent. La valorisation peut donc consister à réfléchir à de nouveaux usages pour les édifices existants. Leur reconversion est d'ailleurs parfois nécessaire si l'on veut offrir un cadre de vie adapté et de qualité aux habitants mais aussi répondre aux enjeux actuels, par exemple en termes de transition énergétique. Le potentiel d'adaptation aux usages contemporains dépend bien sûr de la maîtrise du savoir-faire technique qu'exige le bâti ancien, du recours à des professionnels qualifiés et du respect de l'identité du lieu.
Le Patrimoine : Il n’y a pas un patrimoine mais des patrimoines.
La valorisation du patrimoine bâti exige d'être anticipée, réfléchie et surtout bien intégrée aux projets de développement des communes, même (ou surtout) de petite taille. La phase de diagnostic patrimonial, qui permet d'identifier et de hiérarchiser les interventions, ne doit pas être sous-estimée. Chaque projet doit faire l'objet d'une stratégie adaptée (rénovation, réhabilitation, requalification), tournée vers un objectif de protection et de sauvegarde, mais donnant aussi la possibilité de développer un langage architectural neuf. C'est le sens de la création des sites patrimoniaux remarquables (SPR), initiés par la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.
Dans les faits, il est hélas très difficile, pour certaines communes, de réaliser cette analyse globale et de bien identifier ce qui relève du patrimoine, notamment en raison d'un manque d'ingénierie et de moyens en personnel. De surcroît, une large partie du patrimoine, du fait qu'il n'est ni classé ni protégé, échappe aux radars de la protection.
« Pigeonniers, lavoirs, granges, etc. : il existe sur notre territoire tout un patrimoine non classé et non protégé mais ayant un intérêt patrimonial ». Ces propos sont confirmés par Olivier Lenoir, délégué général du réseau Rempart, qui ajoute : « Le patrimoine qu'il faut valoriser n'est pas seulement le patrimoine communal mais aussi le patrimoine de personnes privées ».
Les métiers : Rénover les constructions anciennes, non classifiées Monuments Historiques, c’est difficile. Car les mots comme : patrimoine, histoire, intégration, paysage, respect du passé, invention, modernité (quand même) et qui trouvent tout leur sens dans l’écriture, peuvent soudain perdre de ce sens dans le langage architectural.
S'agissant des compétences en matière de rénovation, beaucoup parlent de l'enjeu, crucial dans les années à venir, de la préservation de certains métiers très spécialisés. Certains de ces métiers étant en effet susceptibles de disparaître, il est impératif de se préoccuper de la formation. Que ce soient les maçons, les couvreurs, les verriers, les charpentiers ou les tailleurs de pierre, notre territoire doit d'ores et déjà faire face à une pénurie de main-d’œuvre. La crise économique de 2008 a eu des effets dévastateurs : faillites nombreuses, fermetures d'entreprises, non réouvertures par les compagnons de nouvelles sessions de formation, etc. Les maires sont donc de plus en plus confrontés à un déficit de ressources humaines. « Nous avons perdu de vue que le bâtiment est un métier noble ».
Enfin, il y a bien sûr un enjeu de formation à ces métiers très spécialisés, qui n'attirent malheureusement plus les jeunes. L'orientation vers les filières artisanales et professionnelles est trop souvent faite par l'échec dans notre pays. Il faut en finir avec cette conception. Il convient de travailler à long terme auprès de la jeunesse pour valoriser les métiers du patrimoine et susciter des vocations. C'est en encourageant la formation professionnelle et l'apprentissage que nous serons en capacité de « recréer tout un écosystème dédié au patrimoine », juge Olivier Lenoir, délégué général du réseau Rempart.
Le conseiller d’État : À partir de l'état des lieux patrimonial, une deuxième étape consiste à définir une méthode de travail et à mobiliser les bons professionnels. Il s'agit ici, pour les maires, de relever un défi organisationnel afin de bien identifier les acteurs disponibles sur le terrain. Or la lisibilité n'est pas toujours aisée dans ce domaine, et nombre d'entre eux avouent être perdus devant la pluralité des intervenants.
Ce défi de lisibilité rejoint en réalité celui de l'expertise disponible, car les petites communes sont souvent démunies s'agissant de la compétence en matière de maîtrise d'ouvrage, ce qui peut constituer un frein à la réalisation des projets. En effet, jusqu'en 2005, c'est l'État qui se chargeait, pour le compte des communes, de la maîtrise d'ouvrage des projets liés au patrimoine protégé (monuments classés ou inscrits). Désormais, ce sont les communes qui sont maîtres d'ouvrage des travaux réalisés sur le patrimoine bâti dont elles sont propriétaires. Il s'ensuit donc un besoin d'ingénierie pour les communes ou groupements de communes, qui n'ont pas toujours les moyens de disposer de services dédiés. « Le maire est souvent débordé, il n'a ni le temps ni les moyens humains. C'est essentiellement un problème d'ingénierie administrative. C'est ce qui empêche parfois que les crédits soient consommés ».
En pratique, le maire peut recourir à l'Architecte Conseil d’État (ACE) sur n'importe quel sujet, qu'il s'agisse du patrimoine classé ou non classé, la difficulté tient à ce que les maires ne savent pas toujours qu'il existe des ACE. Et surtout ils ne peuvent pas faire directement appel à eux mais doivent passer par la DDT compétente, la DRAC ou la Direction régionale de l'Environnement, de l'Aménagement et du Logement (DREAL), Et il n’y a qu’un seul ACE en Corse.
Le financement public : Il existe le Fonds incitatif ciblé et partenarial (FIP) à destination des petites communes. Créé par le ministère de la Culture en 2018, il permet de financer des travaux sur les monuments historiques situés dans des communes à faibles ressources. Ce fonds, doté de 15 millions d'euros en 2018 et du même montant pour 2019, ne s'adresse justement qu'aux communes de moins de 2 000 habitants. Il permet à l'État de subventionner des travaux sur des monuments protégés à hauteur de 80 % maximum pour le patrimoine classé, et 40 % pour le patrimoine inscrit, uniquement si les régions s'engagent à subventionner au moins 15 % du montant total de l'opération de restauration. Le ministère de la Culture expose : « Les objectifs de ce fonds sont de susciter de nouveaux projets ou de permettre la réalisation de projets n'ayant pas pu trouver la totalité de leur financement à ce jour, mais également de faire des régions des partenaires importants ».
Nous notons que ce fonds a été de 9 095 € en 2019 en Corse contre par exemple, 1 333 975 € en Bretagne.
LA CORSE, UNE ILE ET DES PROPOSITIONS
La bonne maison dit « j’existe, je suis ton partenaire » Gion A. Caminada
Dans sa conférence, l’architecte développe l’idée de la fabrication de la culture, avant tout projet d’architecture. C’est plus qu’une pensée, c’est comment préparer une communauté à la pensée de l’évolution des bâtiments qui construisent le paysage patrimonial de la commune ou ils habitent.
L’histoire de l’art est enseignée à l’école en Italie depuis la petite école, la peinture, l’architecture ont donc un langage compris par TOUS les italiens, au même titre que les recettes de spaghetti. Leonardo ou Michelangelo sont aussi populaires que Claudia Cardinale.
L’île de la Corse avec son territoire concentré et limité géographiquement est un laboratoire parfait pour développer une conscience des patrimoines : paysages nature, villages, rivages, montagnes sont autant de sites dont il faut prendre soin collectivement et avec une fierté partagée.
Il ne s’agit pas d’emphatiser des nostalgies ou des regrets du passé, nous savons tous qu’habiter une maison à rénover est difficile aujourd’hui, car le contexte de sa construction n’est plus le même, mais nous savons comment la rénover, piano piano, pour qu’elle offre tout le confort nécessaire à la vie moderne, sans la brusquer.
PROPOSITIONS :
Travailler sur la création de petites équipes engagées auprès des maires, qui de par leur expérience, leur culture et leur désintéressement, créeraient le lien aujourd’hui manquant entre la municipalité et les habitants de la commune. Il s’agirait d’une cellule d’écoute et de conseil pour toute personne ayant un projet de rénovation/construction ou projet plus ambitieux.
Cette cellule pourrait lorsque c’est nécessaire, simplifier les démarches administratives, s’adresser aux professionnels compétents (juristes, institutions), mais feraient aussi preuve de pédagogie.
L’aide à la rédaction d’un cahier des charges. C’est très difficile de voir l’espace mentalement, rien n’y concourt, et les lieux communs sont pléthore : une baie vitrée pour avoir plus de lumière, une grande chambre, un grand séjour, un grand garage... Or il serait facile d’expliquer ou se trouve le luxe, le bien être, la singularité dans les espaces peut-être pas si grands, inventer une prime à la réduction des surfaces inutiles.
De fait les honoraires des architectes devraient être inversement proportionnelles au coût des construction.
Expliquer le prix des choses. Créer des exemples pédagogiques : les éléments d’architecture ne sont pas des biens de consommation. Il faut expliquer tout ce qui rentre à terme dans le prix des choses : main d’œuvre, entretien, la durée de vie si bien entretenu, etc...
Réactiver le partage des compétences entre les anciennes générations des villages et les jeunes. Il s’agit là d’un échange. Induire les jeunes architectes qui ont étudié sur le continent ou à l’étranger à (re)venir travailler en Corse, en leur donnant une place dans les décisions communales.
Si de plus en plus de jeunes s’engagent dans les questions liées au climat et à l’agriculture, ils ont beaucoup à apprendre des anciens qui eux ont cultivé les terrasses des villages pour survivre. Mais réciproquement, les nouvelles techniques développées autour de la micro-agriculture, peuvent améliorer les conditions de travail des agriculteurs.
Ce mouvement s’est amorcé, mais pas dans la construction ni dans la rénovation. Chaque village a son maçon, mais hélas chaque ville a aussi son « Roi Merlin ».
Mitoyenneté-Citoyenneté. Il s’agit là de démystifier les conflits dits de « voisinage », rien de plus désirée mais de plus redoutable que la maison individuelle qui ne peut qu’activer l’éloignement et la comparaison des autres.
Reconquérir les places, les ruelles, les jardins, les dents creuses, les ruines, les indivisions, c’est redevenir mitoyens, soit la part profonde d’une communauté.
Dans sa conférence, l’architecte développe l’idée de la fabrication de la culture, avant tout projet d’architecture. C’est plus qu’une pensée, c’est comment préparer une communauté à la pensée de l’évolution des bâtiments qui construisent le paysage patrimonial de la commune ou ils habitent.
L’histoire de l’art est enseignée à l’école en Italie depuis la petite école, la peinture, l’architecture ont donc un langage compris par TOUS les italiens, au même titre que les recettes de spaghetti. Leonardo ou Michelangelo sont aussi populaires que Claudia Cardinale.
L’île de la Corse avec son territoire concentré et limité géographiquement est un laboratoire parfait pour développer une conscience des patrimoines : paysages nature, villages, rivages, montagnes sont autant de sites dont il faut prendre soin collectivement et avec une fierté partagée.
Il ne s’agit pas d’emphatiser des nostalgies ou des regrets du passé, nous savons tous qu’habiter une maison à rénover est difficile aujourd’hui, car le contexte de sa construction n’est plus le même, mais nous savons comment la rénover, piano piano, pour qu’elle offre tout le confort nécessaire à la vie moderne, sans la brusquer.
PROPOSITIONS :
Travailler sur la création de petites équipes engagées auprès des maires, qui de par leur expérience, leur culture et leur désintéressement, créeraient le lien aujourd’hui manquant entre la municipalité et les habitants de la commune. Il s’agirait d’une cellule d’écoute et de conseil pour toute personne ayant un projet de rénovation/construction ou projet plus ambitieux.
Cette cellule pourrait lorsque c’est nécessaire, simplifier les démarches administratives, s’adresser aux professionnels compétents (juristes, institutions), mais feraient aussi preuve de pédagogie.
L’aide à la rédaction d’un cahier des charges. C’est très difficile de voir l’espace mentalement, rien n’y concourt, et les lieux communs sont pléthore : une baie vitrée pour avoir plus de lumière, une grande chambre, un grand séjour, un grand garage... Or il serait facile d’expliquer ou se trouve le luxe, le bien être, la singularité dans les espaces peut-être pas si grands, inventer une prime à la réduction des surfaces inutiles.
De fait les honoraires des architectes devraient être inversement proportionnelles au coût des construction.
Expliquer le prix des choses. Créer des exemples pédagogiques : les éléments d’architecture ne sont pas des biens de consommation. Il faut expliquer tout ce qui rentre à terme dans le prix des choses : main d’œuvre, entretien, la durée de vie si bien entretenu, etc...
Réactiver le partage des compétences entre les anciennes générations des villages et les jeunes. Il s’agit là d’un échange. Induire les jeunes architectes qui ont étudié sur le continent ou à l’étranger à (re)venir travailler en Corse, en leur donnant une place dans les décisions communales.
Si de plus en plus de jeunes s’engagent dans les questions liées au climat et à l’agriculture, ils ont beaucoup à apprendre des anciens qui eux ont cultivé les terrasses des villages pour survivre. Mais réciproquement, les nouvelles techniques développées autour de la micro-agriculture, peuvent améliorer les conditions de travail des agriculteurs.
Ce mouvement s’est amorcé, mais pas dans la construction ni dans la rénovation. Chaque village a son maçon, mais hélas chaque ville a aussi son « Roi Merlin ».
Mitoyenneté-Citoyenneté. Il s’agit là de démystifier les conflits dits de « voisinage », rien de plus désirée mais de plus redoutable que la maison individuelle qui ne peut qu’activer l’éloignement et la comparaison des autres.
Reconquérir les places, les ruelles, les jardins, les dents creuses, les ruines, les indivisions, c’est redevenir mitoyens, soit la part profonde d’une communauté.