Il faut absolument prendre en compte les nouvelles projections démographiques pour la Corse, telles qu'elles sont présentées dans la dernière publication de l'Insee en novembre 2022, aux horizons 2050 et 2070. Elles apparaissent d'autant plus solides qu'elles confirment des évolutions que l'on retrouve partout dans le monde (sauf en Afrique subsaharienne) et dans les autres régions françaises, à des nuances près. Elles révèlent quatre tendances lourdes qu'on peut vouloir infléchir à la marge, mais qu'on doit assumer dans leur direction générale, par des politiques adéquates :
- une quasi-stagnation de la population globale ;
- un vieillissement de plus en plus accentué ;
- une fécondité en forte baisse ;
- une immigration nette modérée, surtout si on prend en compte le phénomène de ré-immigration.
Reprenons successivement ces quatre tendances lourdes :
Ralentissement démographique
On note, en Corse, un ralentissement progressif de l'essor démographique, qui a déjà diminué de moitié, de 1 à 0,5% par an. Devrait lui succéder une stagnation globale de la population dès le milieu du siècle, bien avant les 400000 habitants, stagnation qui déboucherait, dans les dernières décennies du siècle sur une baisse ultérieure. Cette dernière paraît inéluctable s'il se confirme que quatre femmes ont désormais en moyenne trois filles au lieu de quatre il y a encore une dizaine d'années...
Face à ce renversement incontestable de perspectives, qu'on retrouve partout -avec des nuances- aux échelles mondiale, nationale et locale, doit-on, dans une île comme la nôtre, caractérisée par une très faible densité de population et un vieillissement déjà très élevé, préférer à ces perspectives de stagnation, voire de régression de la population globale, une stabilité tendancielle de cette population et de sa structure par âge ?
Face à ce renversement incontestable de perspectives, qu'on retrouve partout -avec des nuances- aux échelles mondiale, nationale et locale, doit-on, dans une île comme la nôtre, caractérisée par une très faible densité de population et un vieillissement déjà très élevé, préférer à ces perspectives de stagnation, voire de régression de la population globale, une stabilité tendancielle de cette population et de sa structure par âge ?
Il y a là matière à un premier grand débat démocratique qu'on devrait réclamer, ou à défaut impulser nous-mêmes. Ce serait l'occasion de démasquer les théories de l'extrême-droite -qu'elle soit française ou nationaliste corse- qui prétendent encourager la natalité pour mieux réprimer l'immigration.
Ces théories sont, en effet, deux fois erronées : en premier lieu, parce qu'une reprise éventuelle de la natalité ne sera certainement pas suffisante par elle-même pour combler l'excédent des décès sur les naissances : c'est pourquoi il faut affirmer très clairement que les politiques encourageant la natalité et les politiques d'immigration ne sont nullement en concurrence dans leurs objectifs, mais au contraire heureusement complémentaires. Il en est de même dans les moyens à utiliser pour les promouvoir, car on verra que les mêmes politiques de stabilité des emplois, de promotion des logements sociaux ou de renforcement des structures périscolaires y contribuent également.
En second lieu, parce qu'une part importante de ce que l'on appelle immigration relève bien souvent d'une « ré-immigration » (cf. infra).
C'est pourquoi nous devrions proposer tout à la fois d'enrayer la chute actuelle de la fécondité -particulièrement prononcée dans notre île, s'éloignant du niveau français (1,8) pour se rapprocher des niveaux italiens et espagnols (1,3)-, voire encourager une légère reprise de celle-ci, et de maintenir une immigration nette (après déduction du flux d'émigration) légèrement positive.
Dans tous les cas, le ralentissement démographique en cours (500 habitants de plus par an au lieu de 1000) fournit un point d'appui pour une baisse de la pression sur l'environnement, pour mettre fin à la bétonisation, pour une reconversion partielle du BTP vers la maintenance, la durabilité et l'identitaire, etc.
Ces théories sont, en effet, deux fois erronées : en premier lieu, parce qu'une reprise éventuelle de la natalité ne sera certainement pas suffisante par elle-même pour combler l'excédent des décès sur les naissances : c'est pourquoi il faut affirmer très clairement que les politiques encourageant la natalité et les politiques d'immigration ne sont nullement en concurrence dans leurs objectifs, mais au contraire heureusement complémentaires. Il en est de même dans les moyens à utiliser pour les promouvoir, car on verra que les mêmes politiques de stabilité des emplois, de promotion des logements sociaux ou de renforcement des structures périscolaires y contribuent également.
En second lieu, parce qu'une part importante de ce que l'on appelle immigration relève bien souvent d'une « ré-immigration » (cf. infra).
C'est pourquoi nous devrions proposer tout à la fois d'enrayer la chute actuelle de la fécondité -particulièrement prononcée dans notre île, s'éloignant du niveau français (1,8) pour se rapprocher des niveaux italiens et espagnols (1,3)-, voire encourager une légère reprise de celle-ci, et de maintenir une immigration nette (après déduction du flux d'émigration) légèrement positive.
Dans tous les cas, le ralentissement démographique en cours (500 habitants de plus par an au lieu de 1000) fournit un point d'appui pour une baisse de la pression sur l'environnement, pour mettre fin à la bétonisation, pour une reconversion partielle du BTP vers la maintenance, la durabilité et l'identitaire, etc.
La Corse, pionnière du vieillissement
Elle l'est déjà, mais cela n'était pas trop sensible en période de croissance démographique globale. Cela va le devenir de plus en plus avec le passage à une stagnation, voire une régression de la population globale, d'autant plus que le phénomène devrait être plus accentué dans notre île que dans les autres régions françaises. Il faut bien comprendre que va coexister en moyenne un seul jeune pour deux actifs en âge de travailler et deux anciens ayant dépassé l'âge du départ à la retraite.
Le schéma de référence n'est plus depuis longtemps celui d'une pyramide des âges, mais désormais de son inversion, jusqu'à un âge de plus en plus avancé (60 puis 70 ans). Dans ce nouveau contexte, il devient urgent, indépendamment de toute politique démographique, d'inventer de nouvelles relations entre les générations, au plan collectif et interpersonnel, sous forme d'une nouvelle solidarité intergénérationnelle :
Le schéma de référence n'est plus depuis longtemps celui d'une pyramide des âges, mais désormais de son inversion, jusqu'à un âge de plus en plus avancé (60 puis 70 ans). Dans ce nouveau contexte, il devient urgent, indépendamment de toute politique démographique, d'inventer de nouvelles relations entre les générations, au plan collectif et interpersonnel, sous forme d'une nouvelle solidarité intergénérationnelle :
- Au plan collectif, il faut encourager les municipalités à favoriser les relations entre structures du troisième âge et institutions scolaires, de la crèche au collège, à travers l'ensemble des activités périscolaires et d'éveil.
- Au plan interpersonnel et familial, pourquoi ne pas promouvoir un parrainage citoyen (qui pourrait compléter le parrainage religieux), deux sexagénaires s'engageant auprès des parents à contribuer à l'éducation d'un nouveau-né ?
Cette solidarité intergénérationnelle pourrait connaître dans notre île un succès d'autant plus grand qu'elle renouerait manifestement avec un fondement anthropologique de notre espèce : Homo sapiens est le seul des hominidés à avoir sélectionné la ménopause comme un avantage permettant chez les chasseurs-cueilleurs que les jeunes femmes puissent contribuer aux activités économiques, tandis que leurs mères s'occupent des petits après l'allaitement, réduisant la mortalité infantile.
La faiblesse du taux de renouvellement des générations féminines
Cela ne doit évidemment pas conduire à proposer une politique nataliste forcée : le premier souci humaniste doit toujours être de satisfaire le désir d'enfants des nouvelles générations, comme le souligne à juste titre le dernier rapport de la Direction Générale de la Population de l'ONU sur le sujet. Cependant, même si ce désir paraît un peu moins fort que pour les générations précédentes, toutes les enquêtes montrent depuis longtemps que les femmes désirent en moyenne plus d'enfants qu'elles n'en ont finalement : l'écart entre naissances désirées et naissances effectives peut atteindre 30%, ce qui en Corse pourrait nous ramener dans le meilleur des cas un peu au-dessous du taux de reproduction des générations féminines, assurant en longue période une population stationnaire (2,05 enfants par femme).
Ces mêmes enquêtes confirment l'évidence, à savoir que ce sont les difficultés matérielles qui les ont conduites d'abord à retarder, puis finalement à restreindre leur désir d'enfants : dans l'ordre, un emploi stable et donc un revenu assuré, les conditions de logement et les possibilités de garde d'enfants. C'est pourquoi il faut promouvoir, au niveau de l'ensemble de l'île, une politique de promotion vigoureuse des emplois en CDI, de logements sociaux pour les jeunes couples, et de gardes d'enfants sous forme collective et individuelle.
Ces mêmes enquêtes confirment l'évidence, à savoir que ce sont les difficultés matérielles qui les ont conduites d'abord à retarder, puis finalement à restreindre leur désir d'enfants : dans l'ordre, un emploi stable et donc un revenu assuré, les conditions de logement et les possibilités de garde d'enfants. C'est pourquoi il faut promouvoir, au niveau de l'ensemble de l'île, une politique de promotion vigoureuse des emplois en CDI, de logements sociaux pour les jeunes couples, et de gardes d'enfants sous forme collective et individuelle.
Immigration et ré-immigration
Ce même souci d'un meilleur équilibre démographique doit conduire à viser une immigration nette faible mais positive : sur cette question que les xénophobes de tout bord exaspèrent, il faut d'abord rappeler que l'immigration principale en Corse est originaire d'Europe avant d'être marocaine, à moins de 30%, et qu'elle est surtout interrégionale, provenant plus de France continentale que de l'étranger. Qui plus est, ce sont PACA et l'Île-de-France qui sont les deux principales régions de provenance de l'immigration récente.
Or, c'est précisément vers ces deux régions que, depuis le milieu du XIXe siècle et la généralisation des bateaux à vapeur, et pendant plus d'un siècle, les Corses partaient prioritairement. Croit-on que c'est une coïncidence si les provenances les plus fréquentes viennent de Marseille et du Quartier du Panier ou encore du XIIe arrondissement de Paris, celui de la Gare de Lyon par laquelle des générations de Corses sont arrivés dans la capitale ? où ils ont rencontré des générations de Provençaux, d'Auvergnats et de Savoyards.
Ceci conduit immédiatement à prendre en considération, dans ces flux migratoires, la part significative des « retours au pays », qu'ils soient de la première, deuxième voire troisième génération. On doit donc prendre en compte le phénomène de ré-immigration, si important dans des pays comme l'Espagne et le Portugal, et qui est si souvent ignoré de ceux qui parlent de démographie corse. Qui ne voit que pour les tenants de la «corsitude», c'est évidemment la meilleure manière de mêler le droit du sang (qui est fait un droit de la transmission culturelle) et le droit du sol ?
Nous devrions donc demander aux instances territoriales de mener une grande enquête et un grand débat public sur les ré-immigrations, leurs caractéristiques et les facteurs susceptibles de les influencer. En attendant, on peut penser que les politiques sociales favorables à la remontée du taux de fécondité (emplois féminins, logements sociaux, garde d'enfants) devraient aussi agir positivement sur les ré-immigrations.
Plus généralement, il faut passer d'une conception quantitative à une conception qualitative de l'immigration. C'est pourquoi il nous faut approfondir, pour les immigrants de nationalité étrangère, le débat sur la citoyenneté de résidence. Cette dernière ne peut être cantonnée à des dispositions foncières, à vocation antispéculative, au demeurant faciles à contourner avec des prête-noms. Elle doit concerner tous les aspects de la vie quotidienne, y compris les droits de vote et d'éligibilité aux scrutins locaux et professionnels. Un résident citoyen ne se découpe pas en rondelles, suivant les politiques envisagées : il est concerné non seulement par les questions foncières et du logement, mais tout autant par tous les aspects de la vie locale, non professionnelle et professionnelle.
Or, c'est précisément vers ces deux régions que, depuis le milieu du XIXe siècle et la généralisation des bateaux à vapeur, et pendant plus d'un siècle, les Corses partaient prioritairement. Croit-on que c'est une coïncidence si les provenances les plus fréquentes viennent de Marseille et du Quartier du Panier ou encore du XIIe arrondissement de Paris, celui de la Gare de Lyon par laquelle des générations de Corses sont arrivés dans la capitale ? où ils ont rencontré des générations de Provençaux, d'Auvergnats et de Savoyards.
Ceci conduit immédiatement à prendre en considération, dans ces flux migratoires, la part significative des « retours au pays », qu'ils soient de la première, deuxième voire troisième génération. On doit donc prendre en compte le phénomène de ré-immigration, si important dans des pays comme l'Espagne et le Portugal, et qui est si souvent ignoré de ceux qui parlent de démographie corse. Qui ne voit que pour les tenants de la «corsitude», c'est évidemment la meilleure manière de mêler le droit du sang (qui est fait un droit de la transmission culturelle) et le droit du sol ?
Nous devrions donc demander aux instances territoriales de mener une grande enquête et un grand débat public sur les ré-immigrations, leurs caractéristiques et les facteurs susceptibles de les influencer. En attendant, on peut penser que les politiques sociales favorables à la remontée du taux de fécondité (emplois féminins, logements sociaux, garde d'enfants) devraient aussi agir positivement sur les ré-immigrations.
Plus généralement, il faut passer d'une conception quantitative à une conception qualitative de l'immigration. C'est pourquoi il nous faut approfondir, pour les immigrants de nationalité étrangère, le débat sur la citoyenneté de résidence. Cette dernière ne peut être cantonnée à des dispositions foncières, à vocation antispéculative, au demeurant faciles à contourner avec des prête-noms. Elle doit concerner tous les aspects de la vie quotidienne, y compris les droits de vote et d'éligibilité aux scrutins locaux et professionnels. Un résident citoyen ne se découpe pas en rondelles, suivant les politiques envisagées : il est concerné non seulement par les questions foncières et du logement, mais tout autant par tous les aspects de la vie locale, non professionnelle et professionnelle.