Robba
 



Punti di Vista


C’est à l’interstice d’un engagement politique et d’une forme de syncrétisme que ce situent les pratiques photographiques des six artistes corses sélectionnés pour l’exposition Punti di vista, dans le cadre de l’Eté photographique de Lectoure qui se déroule du 20 juillet au 29 septembre. Madeleine Filippi et Lydie Marchi co-commissaires de l'exposition nous présentent leur démarche.



Mattea Riu
Mattea Riu
Chez Sébastien Arrighi, Yoann Giovannoni, Yan Leandri, Lea Eouzan Pieri, Mattea Riu et Lou Sé­mété, pas d’approche frontale des conflits sociaux et politiques présents sur l’île, on les devine pourtant aisé­ment : les problèmes d’eau, les enjeux démographiques ou la perte de repères culturels.
Ils sont abordés par les artistes de manière poétique, empreinte de romantisme, loin des clichés habituels sur la Corse. Comme en témoigne le travail sériel, le recours à des motifs tels que la trace, la ruine, la voiture et autres objets abandonnés ou calcinés dans le maquis, ou encore les représentations d’un territoire en mutation. Ces motifs suggèrent tour à tour l’oubli, la perte et l’errance auxquels est confrontée une génération en quête de repères. Ils deviennent un métalangage scandé par les artistes. La Corse est un territoire où on ne crée pas de la même manière. La géographie de cette île, son histoire et ses combats induisent un rapport au temps particulier et les expressions plastiques s’en trouvent spécifiques et singulières.

Lea Eouzan Pieri
Lea Eouzan Pieri
L’approche documentaire au sein de la photographie plasticienne corse, dénote une forme d’ataraxie. Une douce résilience s’opère à travers les paradigmes de la mémoire et du temps, ces artistes se réap­proprient leur culture et leur territoire. Le rôle du paysage revêt alors un enjeu majeur. Omniprésent, il est un personnage à part entière il convoque un passé et ses rites, comme en témoigne l’idée de passage divulguée par la présence d’empreintes, de routes et de chemins. Mais aussi par l’emprunt à l’esthétique de la photographie botanique ; avec ces plans centrés sur de l’immortelle, des griffes de sorcières ou du chardon béni, qui sont des herbes utilisées par les mazzeri (sorciers en langue corse), une réappropriation du territoire et de son histoire s’opère. En filigrane, la notion de nustrale éclos. Ce terme que l’on pourrait traduire par « des nôtres » ou « de chez nous » parvient à définir l’enjeu de cette esthétique documentaire teintée de poésie. La revendication ici, à avoir avec un besoin de possession de sa propre histoire, comme défini par Michel Foucault à propos de la photographie. 

Lou Sémété
Lou Sémété
D’oeuvre en oeuvre, jaillit le désir d’écrire leurs récits loin des clichés véhiculés par la presse ou la doxa. Ces photographies se font l’écho poétique des tiraillements et des conflits d’une génération. Cette mise à distance par les artistes est nécessaire pour échapper à l’appropriation politique.
 


 

Sébastien Arrighi
Sébastien Arrighi
Sur ce même front, la scénographie a été pensée comme une déambulation. Elle badine avec l’idée de fragment et les jeux d’échos pour suggérer, elle aussi, une histoire en train de s’écrire.
L’exposition Punti di vista reste en bordure, sur le chemin de la ville ou du village il n’est pas question de guider le spectateur, de lui donner des points de repères, il se trouve comme cette génération dans un temps latent, glissant, qui s’approche de demain et s’éloigne d’hier.
 

Yoann Giovannoni
Yoann Giovannoni
Lydie Marchi est Directrice du Centre d'art et de photographie de Lectoure et - Commissaire générale du festival L'Eté photographique (membre de c-e-a)
Madeleine Filippi est Commissaire et critique d'art indépendante (membre de c-e-a et de l'AICA France)

 

Yan Leandri, Série Fucilu Cintu 2022
Yan Leandri, Série Fucilu Cintu 2022
Samedi 29 Juin 2024
Lydie Marchi et Madeleine Filippi


Dans la même rubrique :
< >

Samedi 28 Septembre 2024 - 09:58 U stintu è u chjassu di Pantaléon Alessandri