Le 18 novembre 2022, une session extraordinaire se tenait à l’Assemblée de Corse, consacrée aux dérives mafieuses. Cette session était appelée de leurs vœux par les deux collectifs anti-mafia créés en 2019 (A maffia no, a Vita iè et le Collectif Massimu Susini).
La littérature journalistique abonde sur le sujet (Mafia corse, une île sous influence - Jacques Follorou, Corse, l’étreinte mafieuse - Hélène Constanty, Juges en Corse - Jean-Michel Verne). Les rapports parlementaires, policiers et des services de renseignements, s’amoncèlent comme un tas de feuilles mortes tombées à l’autonome, formant un substrat, terreau fertile à la pousse de mauvaises herbes. Mafia, « Dérive mafieuse » [1], « système pré-mafieux » [2], risque mafieux, autant de termes pour désigner une phénomène difficile à appréhender. L’Assemblée de Corse semble avoir pris position en faveur de l’expression « dérives mafieuses » en novembre 2022.
Il faut noter que la littérature sur le sujet est ancienne. En 1947, Fernand Braudel écrivait : « aucune région de Méditerranée n’est exempte du mal. Ni la Catalogne, ni la Calabre, ni l’Albanie (…) n’ont le monopole du brigandage. » [3]. Il ne s’agit pas d’ériger la Méditerranée en terre fertile du crime, ce serait injuste pour les peuples qui la composent. Toutefois, la lecture de l’histoire peut nous inviter à nous interroger sur les causes endogènes du phénomène criminel.
La littérature journalistique abonde sur le sujet (Mafia corse, une île sous influence - Jacques Follorou, Corse, l’étreinte mafieuse - Hélène Constanty, Juges en Corse - Jean-Michel Verne). Les rapports parlementaires, policiers et des services de renseignements, s’amoncèlent comme un tas de feuilles mortes tombées à l’autonome, formant un substrat, terreau fertile à la pousse de mauvaises herbes. Mafia, « Dérive mafieuse » [1], « système pré-mafieux » [2], risque mafieux, autant de termes pour désigner une phénomène difficile à appréhender. L’Assemblée de Corse semble avoir pris position en faveur de l’expression « dérives mafieuses » en novembre 2022.
Il faut noter que la littérature sur le sujet est ancienne. En 1947, Fernand Braudel écrivait : « aucune région de Méditerranée n’est exempte du mal. Ni la Catalogne, ni la Calabre, ni l’Albanie (…) n’ont le monopole du brigandage. » [3]. Il ne s’agit pas d’ériger la Méditerranée en terre fertile du crime, ce serait injuste pour les peuples qui la composent. Toutefois, la lecture de l’histoire peut nous inviter à nous interroger sur les causes endogènes du phénomène criminel.
[1] Assemblée nationale, Rapport de la commission d’enquête sur les moyens de lutter contre les tentatives de pénétration de la mafia en France, François d’Aubert (président), Bertrand Gallet (rapporteur), 29 janvier 1993, 9ème législature, n° 3251 (cit. p. 119).
[2] Assemblée nationale, Rapport sur l’utilisation des fonds publics et la gestion des services publics en Corse, Jean Glavany (président), 3 septembre 1998, 11ème législature, n° 1077, pages 19 et 23.
[3} Fernand Braudel, « Misère et banditisme au XVIème siècle » - dans : Annales. Économies, Sociétés, Civilisations. 2ᵉ année, n° 2, 1947 p. 133.
Principe fondateur
Ce texte n’a pas vocation à affirmer une position déterminée et immuable, tant les certitudes nuisent à l’intelligence d’un débat. Il convient de sortir d’une binarité entre d’un côté les partisans de la répression anti-mafia et de l’autre côté les tenants de la défense des principes du procès pénal et du droit pénal. L’auteure s’attachera à s’extraire de cette binarité afin de dépassionner le débat.
À titre liminaire, il convient de s’attarder sur ce qu’est un principe. Le terme principe - du latin principium, dérivé de princeps, littéralement « qui occupe la première place ». La polysémie du terme principe peut engendrer incompréhensions et imprécisions. Le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu définit notamment ainsi le principe : « règle juridique établie par un texte en termes assez généraux destinée à inspirer diverses applications et s’imposant avec une autorité supérieure (ex : les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, les principes particulièrement nécessaires à notre temps…) ».
Philippe Jestaz quant à lui, écrit qu’« est principe la norme qu’on appelle ainsi pour lui attribuer, à tort ou à raison, une importance particulière ». La doctrine juridique elle-même ne s’accorde pas sur une définition uniforme du principe, semblant définir le principe par opposition à la norme, à la règle. Toutefois, il est possible de dégager une idée commune : le principe est fondateur, directif, il guide les règles, la norme. Les principes « disposent d’une valeur juridique intrinsèque sans avoir besoin d’être formulés dans un texte » [1].
À cet égard, toutes les branches du droit sont guidées par des principes, géographiquement inscrits au début des codes juridiques. Cela montre bien qu’ils irriguent la matière et doivent être pris en compte lors de modifications législatives. Ainsi, en droit pénal, le principe fondateur de légalité criminelle (principe de légalité des délits et des peines de Cesare Beccaria) a valeur constitutionnelle, irrigue toute la matière. Les juges « bouches de la loi » selon l’expression de Montesquieu doivent appliquer strictement la règle de droit pénal et ne faire montre d’aucune interprétation hasardeuse de la norme.
Une fois ce principe fondateur du droit pénal posé, il est intéressant de revenir sur la définition de la mafia, avant d’évoquer le délit d’association mafieuse tel qu’il résulte de l’article 416 bis du code pénal italien.
À titre liminaire, il convient de s’attarder sur ce qu’est un principe. Le terme principe - du latin principium, dérivé de princeps, littéralement « qui occupe la première place ». La polysémie du terme principe peut engendrer incompréhensions et imprécisions. Le Vocabulaire juridique de Gérard Cornu définit notamment ainsi le principe : « règle juridique établie par un texte en termes assez généraux destinée à inspirer diverses applications et s’imposant avec une autorité supérieure (ex : les Principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, les principes particulièrement nécessaires à notre temps…) ».
Philippe Jestaz quant à lui, écrit qu’« est principe la norme qu’on appelle ainsi pour lui attribuer, à tort ou à raison, une importance particulière ». La doctrine juridique elle-même ne s’accorde pas sur une définition uniforme du principe, semblant définir le principe par opposition à la norme, à la règle. Toutefois, il est possible de dégager une idée commune : le principe est fondateur, directif, il guide les règles, la norme. Les principes « disposent d’une valeur juridique intrinsèque sans avoir besoin d’être formulés dans un texte » [1].
À cet égard, toutes les branches du droit sont guidées par des principes, géographiquement inscrits au début des codes juridiques. Cela montre bien qu’ils irriguent la matière et doivent être pris en compte lors de modifications législatives. Ainsi, en droit pénal, le principe fondateur de légalité criminelle (principe de légalité des délits et des peines de Cesare Beccaria) a valeur constitutionnelle, irrigue toute la matière. Les juges « bouches de la loi » selon l’expression de Montesquieu doivent appliquer strictement la règle de droit pénal et ne faire montre d’aucune interprétation hasardeuse de la norme.
Une fois ce principe fondateur du droit pénal posé, il est intéressant de revenir sur la définition de la mafia, avant d’évoquer le délit d’association mafieuse tel qu’il résulte de l’article 416 bis du code pénal italien.
[1] Les principes généraux du droit en droit pénal, Julie Daniel - dans Les principes en droit, sous la direction de Sylvie Caudal, éd. Economica, 2008.
Y a-t-il une mafia en Corse ?
La question est en réalité volontairement provocatrice. Il est périlleux de prétendre répondre à cette question, tant la mafia n’a pas une définition universelle et uniforme. En premier lieu, il faut observer que le droit pénal est fondé sur un principe de territorialité, il fait partie des domaines régaliens de l’État. Chaque État se dote d’un code pénal et réprime les valeurs qui méritent la protection du droit répressif, selon l’évolution des mœurs et de la criminalité.
En second lieu, le droit pénal ne se borne pas à réprimer les illégalismes, il les différencie aussi. En témoigne la classification entre les contraventions, les délits et les crimes qui fondent le panorama infractionnel. Selon Michel Foucault, « il faut concevoir un système pénal comme un appareil pour gérer différemment les illégalismes, et non point pour les supprimer tous » [1].
Le premier instrument juridique international à s’intéresser à la mafia est la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée - dite Convention de Palerme - de décembre 2000. En réaction notamment à l’assassinat des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, l’Assemblée générale des Nations Unies s’empare du sujet et s’attèle à donner la définition de plusieurs termes. Pourtant, la Convention n’utilise pas le mot mafia, lui préférant la « criminalité transnationale organisée ».
Le code pénal français n’emploie pas davantage le mot mafia, il distingue l’association de malfaiteurs en tant qu’infraction autonome (art. 450-1 C. pén.) de la bande organisée (art. 132-71 C. pén.) comme circonstance aggravante d’une infraction. Or, le code pénal se borne à définir la bande organisée comme « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions ». Partant, d'aucuns ont pu écrire que le crime organisé était une « référence pratique mais un concept flou » [2].
Le droit français connaît la criminalité organisée. Le code de procédure pénale s’attèle à définir des règles particulières, dérogatoires, pour toutes les infractions relevant de la criminalité organisée. Ces règles sont dérogatoires en ce qu’elles permettent d’utiliser des techniques spéciales d’enquête afin de concourir à la manifestation de la vérité, finalité essentielle du procès pénal.
Les observateurs du fait mafieux sont si nombreux qu’un compte rendu exhaustif de leurs approches se révèle impossible ici; tout au plus peut-on identifier quelques critères de caractérisation.
D’une part, la notion de territoire. Le juge Paolo Borsellino érige la territorialité en caractéristique fondamentale de la mafia. Le groupe mafieux a « la prétention, non d’avoir mais carrément d’être le territoire, de même que le territoire est partie de l’État, si bien que l’État “est” un territoire et n’“a” pas un territoire, vu que celui-ci en est une composante essentielle. La famille mafieuse n’a jamais oublié qu’une de ses caractéristiques essentielles est d’exercer sur un territoire déterminé une pleine souveraineté » [3]. Le groupe exerce donc une souveraineté sur un territoire, en lieu et place de l’État, dont les carences lui ont permis de s’installer. La mafia exerce une « souveraineté territoriale rivale de celle de l’État » [4] sur le territoire.
D’autre part, les liens entre la mafia, la politique, l’économie et … l’environnement. En 1982, le juge Giuseppe Di Lello déclarait : « la mafia a certainement des liens très, très forts avec la politique et avec la finance » [5]. Hélène Constanty évoque ces liens justement lorsqu’elle évoque les mobiles des assassinats en Corse, majoritairement liés au contrôles des fonds publics et à la spéculation immobilière. Quant à l’environnement, depuis l’invention du terme « écomafia » par l’association Legambiante, il est constant que certaines activités (déchets, constructions illégales, trafic d’animaux, trafic illégal de bois…) sont appréhendées par la criminalité organisée dans le but d’en tirer des profits financiers colossaux.
Au surplus, il faut dire un mot de la nouvelle circulaire de politique pénale territoriale applicable à la Corse _ du 13 mars 2023. Onze ans après la circulaire Taubira du 23 novembre 2012, la Chancellerie réitère l’édiction d’une nouvelle circulaire à l’endroit des parquets. Sans évoquer ni mafia, ni dérives mafieuses, la circulaire reconnaît l’existence de « phénomènes criminels spécifiques » en Corse, ayant une emprise dans les « champs de la vie politique, économique et sociale ».
Sans revenir sur toutes les infractions prioritaires mises en exergue par la circulaire, il faut noter que le texte n’ajoute rien de substantiel à celle de 2012, voire même supprime certaines consignes pourtant importantes. Ainsi, en matière d’urbanisme, alors que la circulaire Taubira de 2012 pointait l’importance de « garantir l’effectivité des décisions pénales, notamment en matière d’urbanisme », insistant sur la nécessité de prononcer des mesures de restitution (remise en état, mise en conformité, démolition) ; la circulaire de 2023 semble conditionner la voix pénale en fonction d’une opportunité : « Lorsqu’elles s’avèreront opportunes, les réponses pénales apportées à toute forme d’infractions de nature immobilière favoriseront la solution d’une régularisation » juridique ou matérielle.
Il est regrettable qu’une circulaire de politique pénale applicable à un territoire ne semble pas prendre en compte la réalité de ce territoire.
En second lieu, le droit pénal ne se borne pas à réprimer les illégalismes, il les différencie aussi. En témoigne la classification entre les contraventions, les délits et les crimes qui fondent le panorama infractionnel. Selon Michel Foucault, « il faut concevoir un système pénal comme un appareil pour gérer différemment les illégalismes, et non point pour les supprimer tous » [1].
Le premier instrument juridique international à s’intéresser à la mafia est la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée - dite Convention de Palerme - de décembre 2000. En réaction notamment à l’assassinat des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino, l’Assemblée générale des Nations Unies s’empare du sujet et s’attèle à donner la définition de plusieurs termes. Pourtant, la Convention n’utilise pas le mot mafia, lui préférant la « criminalité transnationale organisée ».
Le code pénal français n’emploie pas davantage le mot mafia, il distingue l’association de malfaiteurs en tant qu’infraction autonome (art. 450-1 C. pén.) de la bande organisée (art. 132-71 C. pén.) comme circonstance aggravante d’une infraction. Or, le code pénal se borne à définir la bande organisée comme « tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d'une ou plusieurs infractions ». Partant, d'aucuns ont pu écrire que le crime organisé était une « référence pratique mais un concept flou » [2].
Le droit français connaît la criminalité organisée. Le code de procédure pénale s’attèle à définir des règles particulières, dérogatoires, pour toutes les infractions relevant de la criminalité organisée. Ces règles sont dérogatoires en ce qu’elles permettent d’utiliser des techniques spéciales d’enquête afin de concourir à la manifestation de la vérité, finalité essentielle du procès pénal.
Les observateurs du fait mafieux sont si nombreux qu’un compte rendu exhaustif de leurs approches se révèle impossible ici; tout au plus peut-on identifier quelques critères de caractérisation.
D’une part, la notion de territoire. Le juge Paolo Borsellino érige la territorialité en caractéristique fondamentale de la mafia. Le groupe mafieux a « la prétention, non d’avoir mais carrément d’être le territoire, de même que le territoire est partie de l’État, si bien que l’État “est” un territoire et n’“a” pas un territoire, vu que celui-ci en est une composante essentielle. La famille mafieuse n’a jamais oublié qu’une de ses caractéristiques essentielles est d’exercer sur un territoire déterminé une pleine souveraineté » [3]. Le groupe exerce donc une souveraineté sur un territoire, en lieu et place de l’État, dont les carences lui ont permis de s’installer. La mafia exerce une « souveraineté territoriale rivale de celle de l’État » [4] sur le territoire.
D’autre part, les liens entre la mafia, la politique, l’économie et … l’environnement. En 1982, le juge Giuseppe Di Lello déclarait : « la mafia a certainement des liens très, très forts avec la politique et avec la finance » [5]. Hélène Constanty évoque ces liens justement lorsqu’elle évoque les mobiles des assassinats en Corse, majoritairement liés au contrôles des fonds publics et à la spéculation immobilière. Quant à l’environnement, depuis l’invention du terme « écomafia » par l’association Legambiante, il est constant que certaines activités (déchets, constructions illégales, trafic d’animaux, trafic illégal de bois…) sont appréhendées par la criminalité organisée dans le but d’en tirer des profits financiers colossaux.
Au surplus, il faut dire un mot de la nouvelle circulaire de politique pénale territoriale applicable à la Corse _ du 13 mars 2023. Onze ans après la circulaire Taubira du 23 novembre 2012, la Chancellerie réitère l’édiction d’une nouvelle circulaire à l’endroit des parquets. Sans évoquer ni mafia, ni dérives mafieuses, la circulaire reconnaît l’existence de « phénomènes criminels spécifiques » en Corse, ayant une emprise dans les « champs de la vie politique, économique et sociale ».
Sans revenir sur toutes les infractions prioritaires mises en exergue par la circulaire, il faut noter que le texte n’ajoute rien de substantiel à celle de 2012, voire même supprime certaines consignes pourtant importantes. Ainsi, en matière d’urbanisme, alors que la circulaire Taubira de 2012 pointait l’importance de « garantir l’effectivité des décisions pénales, notamment en matière d’urbanisme », insistant sur la nécessité de prononcer des mesures de restitution (remise en état, mise en conformité, démolition) ; la circulaire de 2023 semble conditionner la voix pénale en fonction d’une opportunité : « Lorsqu’elles s’avèreront opportunes, les réponses pénales apportées à toute forme d’infractions de nature immobilière favoriseront la solution d’une régularisation » juridique ou matérielle.
Il est regrettable qu’une circulaire de politique pénale applicable à un territoire ne semble pas prendre en compte la réalité de ce territoire.
[1] Surveiller et punir, Michel Foucault, 1975.
[2] Thierry Godefroy, The control of organised crime in France : a fuzzy concept but a handy reference, in « Organized crime in Europe », 2004, p. 763-793.
[3] Cité par « L'économie mafieuse : entre principe de territorialité et extraterritorialité », Clothilde Champeyrache, dans Hérodote 2013/4 (n° 151), p. 83-101.
[4] Ibid.
[5] Extrait du podcast France culture, « La mafia, c’est quoi le concept ? », 21 septembre 2021.
[5] Extrait du podcast France culture, « La mafia, c’est quoi le concept ? », 21 septembre 2021.
Le délit d’association mafieuse tel qu’il résulte de l’article 416 bis du code pénal italien
Dès 1982, le législateur italien introduit dans le code pénal l’article 416 bis relatif au délit d’association mafieuse. Or, à la lecture de l’incrimination, le juriste s’interroge d’emblée sur l’élément intentionnel du délit. En droit pénal, une infraction est constituée par trois éléments : un élément légal (le texte d’incrimination), un élément matériel (les faits matériels) et un élément intentionnel (l’auteur avait-il la volonté de commettre l’acte?).
Or, c’est précisément l’intention qui attire l’attention dans le cas du délit d’association de type mafieuse. L’intention ou le dol, peut être général : alors la simple conscience et connaissance de commettre le fait délictueux suffit à caractériser l’intention de son auteur. Mais une infraction peut nécessiter une intention spéciale pour certaines infractions. On parle de dol spécial. Il faudra alors prouver que l’auteur a agi avec une volonté définie par le texte. À titre d’exemple, le meurtre [1], pour être caractérisé, requiert la démonstration d’une intention de tuer, l’animus necandi, dans sa traduction en latin.
Dans le cas de l’article 416 bis du code pénal italien relatif à l’association de type mafieuse, une attention particulière devra être portée sur cette intention, nécessaire pour caractériser l’infraction. Or, il n’est pas toujours évident de faire le lien entre l’instigateur, le cerveau de l’organisation et l’exécutant. Moins évident encore est de déterminer quelle est la part de l’un et de l’autre dans la commission des faits, que leur participation soit matérielle ou morale. C’est là qu’il peut être ardu de déterminer l’intention de l’un et l’autre.
Or, c’est précisément l’intention qui attire l’attention dans le cas du délit d’association de type mafieuse. L’intention ou le dol, peut être général : alors la simple conscience et connaissance de commettre le fait délictueux suffit à caractériser l’intention de son auteur. Mais une infraction peut nécessiter une intention spéciale pour certaines infractions. On parle de dol spécial. Il faudra alors prouver que l’auteur a agi avec une volonté définie par le texte. À titre d’exemple, le meurtre [1], pour être caractérisé, requiert la démonstration d’une intention de tuer, l’animus necandi, dans sa traduction en latin.
Dans le cas de l’article 416 bis du code pénal italien relatif à l’association de type mafieuse, une attention particulière devra être portée sur cette intention, nécessaire pour caractériser l’infraction. Or, il n’est pas toujours évident de faire le lien entre l’instigateur, le cerveau de l’organisation et l’exécutant. Moins évident encore est de déterminer quelle est la part de l’un et de l’autre dans la commission des faits, que leur participation soit matérielle ou morale. C’est là qu’il peut être ardu de déterminer l’intention de l’un et l’autre.
[1] Article 221-1 du Code pénal.
La confiscation administrative, une mesure administrative aux confins du droit pénal
On observe une tendance croissante au mariage entre le droit pénal et le droit administratif que la doctrine qualifie notamment de déjudiciarisation. Il s’agit de confier à l’autorité administrative des compétences jadis dévolues au juge pénal. Le juge administratif se trouve donc doté d’un pouvoir de sanctions administratives, pourtant répressives dans leur finalité.
Cette tendance a pu être largement commentée en France au gré de l’adoption des mesures anti-terroristes. Le droit de l’anti-terrorisme a ainsi irrigué la procédure pénale, devenue une procédure administrativo-pénale. Quelles conclusions peut-on tirer de ce glissement ? Faut-il en déduire que le droit pénal ne serait pas suffisant pour endiguer les formes les plus abouties de la criminalité ? Si la réponse est oui, il faudrait donc faire appel au droit administratif et au droit civil pour assurer l’effectivité de la règle de droit pénale. C’est à la lumière de cette tendance qu’il faut apprécier la mesure de confiscation administrative existant en droit italien.
Il faut d’emblée noter que la mesure de confiscation administrative ne fait pas totalement consensus au sein de la doctrine. Il faut distinguer le droit pénal qui érige certains comportements en infractions, de la procédure pénale qui organise les règles du procès pénal. Or, pour Luca Lupária [1], la procédure pénale se doit d’être neutre au nom de l’exigence de la manifestation de la vérité, seule finalité du procès pénal. Il écrit : « j’observe toutefois d’un œil très négatif la perte de neutralité des règles de vérification qui, par définition, ne devraient pas être contaminées par des exigences de la politique criminelle ou du droit pénal de l’auteur du délit ».
Ce point de vue est intéressant puisqu’il permet de mettre en lumière un point : la procédure pénale est au service de l’exigence de vérité. Une procédure saine et respectueuse des garanties qui l’entourent assure le déroulement d’un procès pénal pour les auteurs des infractions. Or, les procès en matière de criminalité organisée ont un grand besoin de vérité et nécessitent donc une procédure rigoureuse.
S’agissant de la critique formulée à l’encontre de la confiscation administrative en ce qu’elle serait une atteinte à la présomption d’innocence. Lors de la rédaction de l’introduction, l’auteure de ce texte avait un souhait : définir ce qu’est un principe en droit afin de confronter le principe de la présomption d’innocence et la confiscation administrative. La présomption d’innocence est un principe fondateur en droit pénal et les atteintes qui y sont portées doivent être « prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi » selon l’article préliminaire du Code de procédure pénale.
Toutefois, comme souvent en droit, une conciliation entre plusieurs objectifs s’avère nécessaire. Ainsi, en 1988 [2], la Cour européenne des droits de l’Homme avait reconnu que « tout système juridique connait des présomptions de fait ou de droit ». Par une décision du 16 juin 1999, le Conseil Constitutionnel admet le principe des présomptions de culpabilité en droit français, à la condition qu’elles ne soient pas irréfragables (que l’on puisse donc apporter la preuve contraire, celle de l’innocence), que soit assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité.
À titre d’exemple, en 2013, a été introduite une présomption de culpabilité en matière de blanchiment [3]. Les biens et revenus sont présumés être le produit d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération ne peuvent pas être justifiées par autre chose que la dissimulation de l’origine de ces biens ou revenus ou de leur bénéficiaire effectif.
Dans le cas de la confiscation administrative, elle pourrait donc être admise dans son principe dès lors que l’objectif de lutte contre la criminalité organisée est d’intérêt général et à la condition de se conformer aux conditions posées par le juge constitutionnel.
Cette tendance a pu être largement commentée en France au gré de l’adoption des mesures anti-terroristes. Le droit de l’anti-terrorisme a ainsi irrigué la procédure pénale, devenue une procédure administrativo-pénale. Quelles conclusions peut-on tirer de ce glissement ? Faut-il en déduire que le droit pénal ne serait pas suffisant pour endiguer les formes les plus abouties de la criminalité ? Si la réponse est oui, il faudrait donc faire appel au droit administratif et au droit civil pour assurer l’effectivité de la règle de droit pénale. C’est à la lumière de cette tendance qu’il faut apprécier la mesure de confiscation administrative existant en droit italien.
Il faut d’emblée noter que la mesure de confiscation administrative ne fait pas totalement consensus au sein de la doctrine. Il faut distinguer le droit pénal qui érige certains comportements en infractions, de la procédure pénale qui organise les règles du procès pénal. Or, pour Luca Lupária [1], la procédure pénale se doit d’être neutre au nom de l’exigence de la manifestation de la vérité, seule finalité du procès pénal. Il écrit : « j’observe toutefois d’un œil très négatif la perte de neutralité des règles de vérification qui, par définition, ne devraient pas être contaminées par des exigences de la politique criminelle ou du droit pénal de l’auteur du délit ».
Ce point de vue est intéressant puisqu’il permet de mettre en lumière un point : la procédure pénale est au service de l’exigence de vérité. Une procédure saine et respectueuse des garanties qui l’entourent assure le déroulement d’un procès pénal pour les auteurs des infractions. Or, les procès en matière de criminalité organisée ont un grand besoin de vérité et nécessitent donc une procédure rigoureuse.
S’agissant de la critique formulée à l’encontre de la confiscation administrative en ce qu’elle serait une atteinte à la présomption d’innocence. Lors de la rédaction de l’introduction, l’auteure de ce texte avait un souhait : définir ce qu’est un principe en droit afin de confronter le principe de la présomption d’innocence et la confiscation administrative. La présomption d’innocence est un principe fondateur en droit pénal et les atteintes qui y sont portées doivent être « prévenues, réparées et réprimées dans les conditions prévues par la loi » selon l’article préliminaire du Code de procédure pénale.
Toutefois, comme souvent en droit, une conciliation entre plusieurs objectifs s’avère nécessaire. Ainsi, en 1988 [2], la Cour européenne des droits de l’Homme avait reconnu que « tout système juridique connait des présomptions de fait ou de droit ». Par une décision du 16 juin 1999, le Conseil Constitutionnel admet le principe des présomptions de culpabilité en droit français, à la condition qu’elles ne soient pas irréfragables (que l’on puisse donc apporter la preuve contraire, celle de l’innocence), que soit assuré le respect des droits de la défense et que les faits induisent raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité.
À titre d’exemple, en 2013, a été introduite une présomption de culpabilité en matière de blanchiment [3]. Les biens et revenus sont présumés être le produit d’un crime ou d’un délit dès lors que les conditions matérielles, juridiques ou financières de l’opération ne peuvent pas être justifiées par autre chose que la dissimulation de l’origine de ces biens ou revenus ou de leur bénéficiaire effectif.
Dans le cas de la confiscation administrative, elle pourrait donc être admise dans son principe dès lors que l’objectif de lutte contre la criminalité organisée est d’intérêt général et à la condition de se conformer aux conditions posées par le juge constitutionnel.
[1] Les réponses du système italien aux formes extrêmes de criminalité : un tableau d’ensemble et quelques questions, Luca Lupária, dans L'adaptation des réponses pénales aux formes extrêmes de la criminalité, sous la direction de Michel Danti-Juan et Jérôme Bossa, p. 53-62.
[2] Arrêt Salabiaku c/France, CEDH, 7 octobre 1988.
[3] Article 324-1-1 du Code pénal.
[3] Article 324-1-1 du Code pénal.