Keith Haring, Tree of life
L’été 2022 a révélé au grand jour les nombreuses vulnérabilités de notre île. Aux épisodes climatiques inédits sont venus s’ajouter la pénurie d’eau, les pollutions liées aux transports, la surfréquentation estivale, la surproduction de déchets. Ces perturbations sont à mettre sur le compte d’un modèle à bout de souffle qui profite seulement à quelques-uns. Ces logiques mortifères qui associent un tourisme irraisonné, une urbanisation démesurée et un consumérisme effréné nous mènent au bord de l’effondrement. Elles signent le déclin non seulement de l’histoire matérielle et spirituelle de la Corse, mais plus grave encore menacent nos conditions même d’existence.
Un moment de pause et d'introspection collective s’impose aux politiques comme aux habitants de la terre de Corse. Il nous appartient de penser et de mettre en pratique un projet de société qui associe la légitime autonomie du peuple corse aux nécessaires changements éthiques et matériels que les crises politiques, économiques, écologiques commandent. Le projet d’une autonomie pleine et entière intègre forcément la révision des anciennes conceptions du progrès, basées sur la domination coloniale et la mainmise sur la nature. Nous devons lutter contre ce « progrès » qui détruit la société insulaire, ses milieux de vie et ses habitants.
Un moment de pause et d'introspection collective s’impose aux politiques comme aux habitants de la terre de Corse. Il nous appartient de penser et de mettre en pratique un projet de société qui associe la légitime autonomie du peuple corse aux nécessaires changements éthiques et matériels que les crises politiques, économiques, écologiques commandent. Le projet d’une autonomie pleine et entière intègre forcément la révision des anciennes conceptions du progrès, basées sur la domination coloniale et la mainmise sur la nature. Nous devons lutter contre ce « progrès » qui détruit la société insulaire, ses milieux de vie et ses habitants.
L’écologie, force d’émancipation politique et de préservation des milieux de vie
Il s’agit de fortifier nos attachements historiques, symboliques, linguistiques et sociaux en les fondant sur l’existence de tous les vivants de cette terre. Cela suppose de refuser de s’accrocher à la chimère d’un retour vers une nature édénique qui n’a jamais existé. De même qu’il s’agit de s’affranchir en partie des solutions protectionnistes et patrimoniales qui mettent la nature sous cloche et repoussent la formulation de réponses ajustées aux enjeux de la Corse. De prendre en compte les interactions de nos ressources productives avec la complexité des milieux de vie. De nous défaire de l’opposition entre nature et culture. D’articuler justice sociale et transformation écologique. ll s’agit en somme d’entrer dans l’âge du vivant, une ère qui commande de repenser l'idée même de progrès avec et non plus contre les autres formes de vie.
Nous, porteurs de l’Accademia di u cumunu, faisons le constat du faible impact sur la société corse des partis politiques (y compris écologistes) et des institutions d’une part, et des résultats pourtant alarmants des travaux scientifiques sur le changement climatique d’autre part.
En dépit d’une réelle antériorité historique (mobilisations de l’Argentella et des Boues rouges...), la pensée écologique progresse peu dans l’île. Si l’on observe bien un foisonnement d’initiatives, la plupart d’entre-elles fonctionne selon une logique environnementaliste orientée vers la protection des sites au nom d’une intégrité à préserver qui demeure rarement questionnée. Ces efforts méritoires éclatés, focalisés mettent en évidence la nécessité de converger et de formaliser connaissances et expériences individuelles comme collectives pour changer de trajectoire.
Nous, porteurs de l’Accademia di u cumunu, faisons le constat du faible impact sur la société corse des partis politiques (y compris écologistes) et des institutions d’une part, et des résultats pourtant alarmants des travaux scientifiques sur le changement climatique d’autre part.
En dépit d’une réelle antériorité historique (mobilisations de l’Argentella et des Boues rouges...), la pensée écologique progresse peu dans l’île. Si l’on observe bien un foisonnement d’initiatives, la plupart d’entre-elles fonctionne selon une logique environnementaliste orientée vers la protection des sites au nom d’une intégrité à préserver qui demeure rarement questionnée. Ces efforts méritoires éclatés, focalisés mettent en évidence la nécessité de converger et de formaliser connaissances et expériences individuelles comme collectives pour changer de trajectoire.
La mise en récit des communs
L’Accademia di u cumunu choisit d’enclencher le processus de bifurcation à partir des communs en s’inspirant des académies italiennes de la Renaissance, di u cumunu, et des enseignements du Riacquistu.
Que désigne-t-on par « commun » ? Si l’eau, la forêt, l’énergie, le soleil sont effectivement des « biens » que nous partageons tous, ils ne sont pas pour autant des communs. Il faut un collectif pour faire naître le commun. Une entité dite naturelle (forêt, eau, mer, glacier) ne devient « commune » qu’à partir du moment où elle est un lieu de gouvernance et de gestion partagé par celles et ceux qui l’habitent. Les communs sont des instances politiques qui s’élaborent au sein d’un territoire. Inscrite dans une démarche écologique, l’Accademia intègre également les points de vue des entités non humaines qui peuplent et composent ce territoire et s’engage à défendre leurs intérêts ; à participer à la mise en place de collectifs inédits et à en tirer enseignements et pratiques ayant pour objectif de permettre aux communs de creuser leur légitimité entre les autorités étatiques et les logiques marchandes.
Que désigne-t-on par « commun » ? Si l’eau, la forêt, l’énergie, le soleil sont effectivement des « biens » que nous partageons tous, ils ne sont pas pour autant des communs. Il faut un collectif pour faire naître le commun. Une entité dite naturelle (forêt, eau, mer, glacier) ne devient « commune » qu’à partir du moment où elle est un lieu de gouvernance et de gestion partagé par celles et ceux qui l’habitent. Les communs sont des instances politiques qui s’élaborent au sein d’un territoire. Inscrite dans une démarche écologique, l’Accademia intègre également les points de vue des entités non humaines qui peuplent et composent ce territoire et s’engage à défendre leurs intérêts ; à participer à la mise en place de collectifs inédits et à en tirer enseignements et pratiques ayant pour objectif de permettre aux communs de creuser leur légitimité entre les autorités étatiques et les logiques marchandes.
Une méthode et un programme d’action
Pour initier cette démarche, l’Accademia s’est appuyée sur un collectif en partie constitué autour du fleuve Tavignanu, menacé par un projet d’enfouissement de déchets ultimes et amiantifères. Un premier atelier s’est tenu le 9 octobre 2022 à Aleria selon une animation exploratoire de nouvelles formes de délibération populaire. L’atelier a réuni des usagers (ceux qui habitent à proximité du fleuve), des défenseurs porte-parole du milieu de vie (ici le Collectif Tavignanu Vivu), deux experts juridiques, ardentes défenseures des droits des fleuves : Marine Yzquierdo et Marie-Angèle Hermitte ainsi qu’un auditoire participatif. Comprendre, analyser des intérêts souvent divergents voire contradictoires et élaborer ce qui peut être mis en commun est une première étape. La restitution des points de vue constitue la seconde, de façon à pouvoir construire un récit qui reflète la pluralité des enjeux autour du Tavignanu. L’objectif était de poser clairement les problèmes, d’identifier des solutions localement construites afin de doter l’ensemble des habitants humains et non humains des moyens nécessaires, notamment juridiques, à la préservation dynamique du Tavignanu.
Le dispositif expérimenté à Aleria a vocation à être transposé à d’autres thèmes et terrains toujours situés et aux dimensions des habitants. Sont d’ores et déjà mis au calendrier un site forestier, un territoire visité parmi les « lieux dits remarquables », une châtaigneraie, a lingua corsa, l’énergie collective, les déchets et leurs traitements... Des territoires significatifs d’une écologie territoriale à mettre en œuvre dans l’urgence. L’enjeu est de fonder une pensée nouvelle de l’écologie pour la Corse, qui ne soit pas hors-sol mais inclusive de tous les usages productifs et non productifs tout en étant soucieuse du bien-être de l’ensemble des vivants. Fondée sur un principe de solidarité humaine et d’association avec les vivants, elle s’adresse à tous ceux qui ne supportent plus les dégradations que subit notre île.
Le dispositif expérimenté à Aleria a vocation à être transposé à d’autres thèmes et terrains toujours situés et aux dimensions des habitants. Sont d’ores et déjà mis au calendrier un site forestier, un territoire visité parmi les « lieux dits remarquables », une châtaigneraie, a lingua corsa, l’énergie collective, les déchets et leurs traitements... Des territoires significatifs d’une écologie territoriale à mettre en œuvre dans l’urgence. L’enjeu est de fonder une pensée nouvelle de l’écologie pour la Corse, qui ne soit pas hors-sol mais inclusive de tous les usages productifs et non productifs tout en étant soucieuse du bien-être de l’ensemble des vivants. Fondée sur un principe de solidarité humaine et d’association avec les vivants, elle s’adresse à tous ceux qui ne supportent plus les dégradations que subit notre île.