Ciò ch'ella ne pensa Laura Ferrandini
Ùn sò micca prufessora, linguista, pueta ne maestra. Parlu un corsu strappatu è mi piacerebbe à parlà lu di più è di megliu. Parlu megliu u francese, bella sicura, è ancu l’Inglese.
Je suis de cette génération dont les grand-parents nous ont parlé la langue mais pas nos parents. Ou en tous cas pas assez. De cette génération qui a honte de la parler par peur de l’abîmer, de faire des fautes, de ne pas assez bien la maîtriser.
C’est donc un rapport antinomique que j’ai à la langue. À la fois intime, comme un rapport de famille. Un rapport de lien à la terre et à la Méditerranée. Elle me rappelle d’où je viens, elle me rappelle à quel point ceux qui vivent sur les autres rives nous ressemblent. Elle me tient à coeur pour pleins de raisons. Parce que ma grand-mère me l’a transmise, en faisant des falculelle, en nous promenant dans les ruelles cortenaises ou en me parlant de la grande époque des élections du partitone. Mais aussi un rapport de frustration, par manque de maîtrise complète de ses complexités, de son lexique riche et de sa grammaire.
Depuis peu je suis devenue maman et ce besoin de transmission de « ma langue » s’est imposé. Je veux que ma fille la parle, je veux qu’elle la maîtrise. Mais surtout, je veux qu’elle la maîtrise mieux que moi. Car j’ai beau avoir des bases, je ne suis pas véritablement bilingue. Je la parle assez pour en faire notre langue usuelle à toutes les deux, mais pas assez pour qu’elle la maîtrise parfaitement. J’ai donc besoin de soutien. De celui de ses grand-parents corsophones dans un premier temps. Puis de l’école dans un second. D’un bain linguistique qui lui permettra, j’en suis certaine, de pouvoir être une enfant bilingue, puis plurilingue. C’est donc d’une école immersive dont j’ai besoin. Pour que ma fille ait une véritable maîtrise di i so lochi. De son territoire. Maîtriser cette langue c’est comprendre ce qu’on y cuisine, ce qu’on y fait pousser, les lieux que l’on va visiter. C’est être bien dans ses baskets pour demain aller voir plus loin, ailleurs. C’est être immédiatement, dès le plus jeune âge, installé, en confiance, dans sa méditerranéité. C’est synonyme pour moi d’ouverture, de curiosité et d’esprit libre.
Je crois à la force de l’immersion. Si je parle aujourd’hui bien mieux l’anglais que le corse ce n’est pas grâce aux séries américaines, ni même aux nombreuses heures de cours d’anglais sur les bancs du collège et lycée. Si je parle aujourd’hui bien mieux l’anglais que le corse c’est grâce au programme Erasmus. Celui qui m’a ouvert les portes de l’Europe pour aller passer 9 mois en Angleterre pendant mes études.
9 mois de bain linguistique qui m’ont permis de maîtriser cette langue dont mes compétences étaient très très limitées avant mon départ. J’ai compris qu’il était tout aussi important d’étudier que de bringuer, de déjeuner ou de rire dans la langue en question. Que rien ne remplaçait le fait d’entendre une langue du matin au soir. Et c’est cet environnement qui m’a permis en seulement 3 mois de maîtriser l’anglais, à tel point que j’ai décidé par la suite de vivre dans ce pays plusieurs années et d’y débuter ma carrière professionnelle.
Je crois aussi en la force de la normalisation de la langue par la sphère économique. Je n’ai aucune légitimité pour parler du rôle du public bien que je sois intimement convaincue qu’il soit crucial. Mais je crois aussi que nous, Corses qui montons des structures, gérons des projets, faisons de la communication, avons un rôle primordial à jouer dans la diffusion et la normalisation de notre langue. Chacun à l’échelle de nos petits ou grands projets, des réseaux sociaux que nous animons, des enseignes que nous créons ou des sites internet que nous alimentons, nous pouvons créer les conditions d’une langue du quotidien.
C’est cette langue comme un lien au lieu, celle qui nous rend unique pour mieux accéder à l’universel, que je souhaite transmettre à ma fille. C’est son héritage, celui qui lui permettra d’aller découvrir le monde de manière sereine et apaisée. Parce que je crois que la maîtrise de la langue est un préalable indispensable à la connaissance de sa terre. Et que connaître ses lieux est une force incroyable pour construire, innover, disrupter. Pour grandir librement, partir sans culpabiliser, revenir avec envie, faire cohabiter différentes langues et cultures dans son quotidien.
Maîtriser sa langue pour s’ancrer solidement, non pas comme une fin en soi mais au contraire, pour pouvoir découvrir l’ailleurs, l’autre, et s’en enrichir. Pour grandir et s’épanouir. Eccu pè me l’impurtanza di a so lingua.
Je suis de cette génération dont les grand-parents nous ont parlé la langue mais pas nos parents. Ou en tous cas pas assez. De cette génération qui a honte de la parler par peur de l’abîmer, de faire des fautes, de ne pas assez bien la maîtriser.
C’est donc un rapport antinomique que j’ai à la langue. À la fois intime, comme un rapport de famille. Un rapport de lien à la terre et à la Méditerranée. Elle me rappelle d’où je viens, elle me rappelle à quel point ceux qui vivent sur les autres rives nous ressemblent. Elle me tient à coeur pour pleins de raisons. Parce que ma grand-mère me l’a transmise, en faisant des falculelle, en nous promenant dans les ruelles cortenaises ou en me parlant de la grande époque des élections du partitone. Mais aussi un rapport de frustration, par manque de maîtrise complète de ses complexités, de son lexique riche et de sa grammaire.
Depuis peu je suis devenue maman et ce besoin de transmission de « ma langue » s’est imposé. Je veux que ma fille la parle, je veux qu’elle la maîtrise. Mais surtout, je veux qu’elle la maîtrise mieux que moi. Car j’ai beau avoir des bases, je ne suis pas véritablement bilingue. Je la parle assez pour en faire notre langue usuelle à toutes les deux, mais pas assez pour qu’elle la maîtrise parfaitement. J’ai donc besoin de soutien. De celui de ses grand-parents corsophones dans un premier temps. Puis de l’école dans un second. D’un bain linguistique qui lui permettra, j’en suis certaine, de pouvoir être une enfant bilingue, puis plurilingue. C’est donc d’une école immersive dont j’ai besoin. Pour que ma fille ait une véritable maîtrise di i so lochi. De son territoire. Maîtriser cette langue c’est comprendre ce qu’on y cuisine, ce qu’on y fait pousser, les lieux que l’on va visiter. C’est être bien dans ses baskets pour demain aller voir plus loin, ailleurs. C’est être immédiatement, dès le plus jeune âge, installé, en confiance, dans sa méditerranéité. C’est synonyme pour moi d’ouverture, de curiosité et d’esprit libre.
Je crois à la force de l’immersion. Si je parle aujourd’hui bien mieux l’anglais que le corse ce n’est pas grâce aux séries américaines, ni même aux nombreuses heures de cours d’anglais sur les bancs du collège et lycée. Si je parle aujourd’hui bien mieux l’anglais que le corse c’est grâce au programme Erasmus. Celui qui m’a ouvert les portes de l’Europe pour aller passer 9 mois en Angleterre pendant mes études.
9 mois de bain linguistique qui m’ont permis de maîtriser cette langue dont mes compétences étaient très très limitées avant mon départ. J’ai compris qu’il était tout aussi important d’étudier que de bringuer, de déjeuner ou de rire dans la langue en question. Que rien ne remplaçait le fait d’entendre une langue du matin au soir. Et c’est cet environnement qui m’a permis en seulement 3 mois de maîtriser l’anglais, à tel point que j’ai décidé par la suite de vivre dans ce pays plusieurs années et d’y débuter ma carrière professionnelle.
Je crois aussi en la force de la normalisation de la langue par la sphère économique. Je n’ai aucune légitimité pour parler du rôle du public bien que je sois intimement convaincue qu’il soit crucial. Mais je crois aussi que nous, Corses qui montons des structures, gérons des projets, faisons de la communication, avons un rôle primordial à jouer dans la diffusion et la normalisation de notre langue. Chacun à l’échelle de nos petits ou grands projets, des réseaux sociaux que nous animons, des enseignes que nous créons ou des sites internet que nous alimentons, nous pouvons créer les conditions d’une langue du quotidien.
C’est cette langue comme un lien au lieu, celle qui nous rend unique pour mieux accéder à l’universel, que je souhaite transmettre à ma fille. C’est son héritage, celui qui lui permettra d’aller découvrir le monde de manière sereine et apaisée. Parce que je crois que la maîtrise de la langue est un préalable indispensable à la connaissance de sa terre. Et que connaître ses lieux est une force incroyable pour construire, innover, disrupter. Pour grandir librement, partir sans culpabiliser, revenir avec envie, faire cohabiter différentes langues et cultures dans son quotidien.
Maîtriser sa langue pour s’ancrer solidement, non pas comme une fin en soi mais au contraire, pour pouvoir découvrir l’ailleurs, l’autre, et s’en enrichir. Pour grandir et s’épanouir. Eccu pè me l’impurtanza di a so lingua.